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Dernière modification le 30 juin 2011


La Crassule de Helm (Crassula helmsii)

Introduite au début du XX ème siècle en Europe, la Crassule de Helm se dissémine un peu partout en Europe et y provoque des nuisances importantes. Encore localisée en Bretagne, ses capacités de développement ne sont pas à prendre à la légère.


Description, biologie et répartition : une plantes aux allures variables

La Crassule de Helm est une plante amphibie venue de loin et qui colonise facilement les milieux aquatiques.

Description, classification, biologie
{datsopic id=228 align=right}La Crassule de Helm est une petite plante aquatique qui porte le nom scientifique de Crassula helmsii (Kirk) Cockayne. D’autres noms français lui sont prêtés comme l’Orpin des marais, l’Orpin australien, l’Orpin des marais australien ou encore l’Herbe folle Pigmy de Nouvelle Zélande (1). D’autres noms scientifiques sont parfois utilisés mais ne sont pas valables : Tillea helmsii, Tillea recurva ou Crassula recurva.

La Crassule de Helm appartient à la famille des Crassulacées, famille qui regroupe de nombreuses espèces de plantes grasses, capables de stocker dans l’ensemble de leurs tissus des réserves de nutriments. Les Orpins, l’Ombilic… appartiennent à cette famille. Cette famille est beaucoup plus fréquemment développée dans des milieux secs.

Les tiges de la Crassule de Helm mesurent de 10 à 130 cm de longueur pour un diamètre très faible (quelques millimètres). Les feuilles ont une forme linéaire et recourbée et sont démunies de pétiole. Elles mesurent 4 à 20 mm de longueur et 0,7 à 1,6 mm de large.
Chaque nœud peut émettre des racines qui ancrent davantage la plante dans le substrat ou absorbent directement les nutriments dans l’eau.

La Crassule de Helm vit dans les zones humides au sens large du terme. Elle se développe dans des plans d’eau jusqu’à 3 m de profondeur mais aussi hors de l’eau sur sol détrempé. Elle adapte sa forme en fonction de ces milieux de vie :

  • En pleine eau, la Crassule de Helm atteint sa longueur maximale (130 cm) et est bien enracinée au fond de l’eau. Les tiges sont peu succulentes et les feuilles sont situées vers le sommet de la tige.
  • Lorsque la profondeur est plus faible (inférieure à 50 cm), la plante émet davantage de ramifications qui deviennent aériennes au milieu de l’été. Les herbiers se densifient.
  • Quand l’eau se raréfie, les branches et ramifications sont encore plus nombreuses, les distances entre les nœuds diminuent encore et la plante devient plus grasse.

Dans son aire de répartition naturelle, la Crassule de Helm est très tolérante vis-à-vis des variations du milieu. Elle se développe toute l’année dans une gamme de température qui va de – 6 °C en hiver à 30°C en été. Sa tolérance à l’humidité est tout aussi large : de 10 mm à 3000 mm précipitations. Elle supporte également des milieux acides à basiques et même des eaux légèrement salées.

La Crassule de Helm peut être confondue avec certaines espèces de plantes autochtones comme les Callitriches. Elles en diffèrent par deux critères principaux :

  • L’insertion des feuilles de la Crassule de Helm se fait par un pétiole de 1 mm de longueur
  • Les feuilles de la Crassule de Helm sont pointues et entières alors que celles des Callitriches ne sont jamais aigües (échancrées, dentées pour le Callitriche en hameçons, ou arrondies pour le Callitriche stagnant ou le Callitriche à carpelles aplatis).

Reproduction
Tous les ans la plante émet de petites fleurs situées au niveau de l’insertion des feuilles. Si des graines ont été observées en Angleterre, aucune n’a engendré de nouvelle plante.

La Crassule de Helm se reproduit par multiplication végétative. En automne, le sommet des tiges émet de petits bourgeons appelés turions. Ceux-ci se détachent de la tige et peuvent coloniser d’autres zones, poussés par le vent à la surface de l’eau.
Durant le reste de l’année, la plante peut se propager facilement sans ses turions. Des petits fragments de 5 mm de tige, du moment qu’ils contiennent un nœud, peuvent engendrer un nouvel individu (A).

Origine et répartition
La Crassule de Helm est originaire d’Océanie. Elle est surtout présente en Nouvelle Zélande et en Australie. Elle fut introduite en Angleterre en 1911 en provenance de Tasmanie (2).
Elle y fut commercialisée en 1927 en tant que plante oxygénatrice des aquariums.
Les premières observations de la plante en milieu naturel datent de 1956. Elle a depuis conquis une grande partie du sud de l’Angleterre.
Elle est également présente en Allemagne, au Pays-Bas, au Danemark, en Belgique, en Espagne.

En Bretagne, la Crassule de Helm a été repérée en quelques points.
En Ille et Vilaine, elle est présente le long de la Vilaine dans un étang de la commune de Langon à proximité de Redon (3). Les observateurs l’ont récemment aperçu en 2006 à Paimpont et Amanlis.
{datsopic id=225 align=right} Dans le Finistère, la Crassule de Helm est présente dans deux plans d’eau où elle occupe une surface importante : l’étang du Stang-Alar à Brest et l’étang du Costour à Guipavas.
L’ Institut de géoarchitecture a réalisé un inventaire des espèces invasives pour Brest métropole océane. Les auteurs de l’étude, mentionnent la Crassule de Helm en signalant que le territoire prospecté est susceptible de l’accueillir (4).

Il n’existe aucune donnée concernant les modalités d’introduction de la Crassule de Helm en Bretagne.

L’invasion et ses effets : un important potentiel invasif

Extrêmement invasive en Grande Bretagne, la Crassule de Helm n’a pas encore endommagé les milieux naturels bretons. Au regard des nuisances causées outre-Manche, elle mériterait davantage d’attention de la part des pouvoirs publics.

Capacités de colonisation
La Crassule de Helm peut se développer dans une large gamme de milieux humides : marais, plan d’eau, eau chaude ou froide, douce ou salée, acide ou basique…
En Bretagne, la grande variété des milieux humides offrirait donc à cette plante des habitats favorables à son développement et à son invasion.

A l’inverse des autres plantes invasives, la plante ne connaît pas de phase de repos pendant l’hiver. Elle peut donc se développer continuellement et concurrencer les autres espèces végétales.
Ses capacités de croissance sont par ailleurs amplifiées par d’importantes facultés de dissémination. L’émission de fragments de tige ou de turions peut propager la plante rapidement dans le plan d’eau. Le transport de ces organes par les oiseaux facilite la propagation sur de longues distances.
Il s’agit donc d’une espèce dont les potentialités de colonisation ne sont pas à négliger sur le territoire breton.

Impacts
Impacts écologiques
{datsopic id=227 align=right} Dans le Finistère, la Crassule de Helm est particulièrement invasive dans les plans d’eau qu’elle occupe à Brest et à Guipavas. En formant des herbiers denses de plusieurs dizaines de centimètres d’épaisseur, ces plantes limitent le développement des autres végétaux aquatiques. Le milieu aboutit à un peuplement monospécifique de Crassule de Helm.
Le résultat final est une baisse de la biodiversité des zones colonisées. Cela est particulièrement grave quand des espèces rares sont menacées. La Crassule de Helm exerce également une pression sur les autres espèces des milieux aquatiques comme les peuplements d’algues microscopiques, les poissons…(2)
Dans ces deux étangs finistériens, la lumière ne peut plus pénétrer dans la colonne d’eau. Sans cette lumière, la photosynthèse est impossible. L’oxygène que cette réaction libère normalement disparaît. La respiration des animaux et la dégradation de la matière organique sont alors impossibles. On assiste alors à une disparition de la biodiversité et à un comblement accéléré de la pièce d’eau.
Il semblerait que la Crassule de Helm, en remplaçant les espèces autochtones, affecte la reproduction de certains Amphibiens. Les tiges ne conviendraient pas au Triton qui y déposent leurs œufs (5).

Impacts hydrauliques
La Crassule de Helm en forte densité peut obstruer l’écoulement des eaux dans les canaux et les fossés. Lors de fortes pluies, cela peut conduire à des inondations (2,1).

Impacts sur la santé
La Crassule de helm forme d’épais tapis de végétation en bordure des plans d’eau. Ceux-ci peuvent être confondus par les animaux de compagnie, le bétail et même les enfants avec la berge. Les risques de chutes dans l’eau peuvent donc être réels (2,1).

Gestion de la Crassule de Helm : des opérations pas toujours efficaces

Il n’existe à l’heure actuelle aucune mesure de gestion de la Crassule de Helm en Bretagne.
En Angleterre, où l’invasion a atteint une certaine gravité, des mesures de gestion ont été expérimentées.

L’arrachage manuel et mécanique
{datsopic id=226 align=right} Aucune de ces deux méthodes n’a donné satisfaction. Au contraire, la technique est à proscrire dans la mesure où elle provoque une fragmentation des tiges. Or, il est impossible de récolter tous les fragments après un arrachage. Les morceaux restants peuvent donc engendrer un nouvel herbier et réduire à néant des heures de travaux d’intervention et pire, propager davantage la plante (A,B).

Lutte biologique
Aucune méthode efficace n’est connue. Si la carpe consomme facilement les pousses éparpillées, elle s’asphyxie dans les herbiers plus denses.

Lutte chimique
Les gestionnaires anglais ont testé trois substances : le Glyphosate, le Dichlobényl et le Diquat (ce dernier est interdit mais remplaçable par le Dichlobényl) (A,1).
Le Glyphosate doit être utilisé sur les parties émergées de la plante d’avril à fin novembre et dans une formulation adaptée aux milieux aquatiques. Du Dichlobényl peut être rajouté si l’accès le permet (B).
Le Dichlobényl est préconisée sur les parties submergées des plantes de février à mars. La substance est utilisée sous la forme d’un gel appelé Midstream GSR.

Il est nécessaire de traiter au moins 70% de la surface de l’herbier en une fois pour obtenir l’efficacité souhaitée. Il est recommandé de finir les 30% restant dans la semaine qui suit. Les plantes mortes doivent être récoltées pour éviter l’accumulation de matière organique.

L’usage de tels produits est toutefois très réglementé et des doutes sont émis quant à leur sélectivité. Par ailleurs, le Diquat a été interdit à l’usage en France. Les Anglais considèrent cependant que c’est la méthode la plus efficace et souhaiteraient la régulariser pour la lutte contre les espèces végétales invasives en milieu aquatique, ce qui va à l’encontre des préconisations des Agences de l’Eau (A).

L’ombrage
Cette méthode consiste à limiter la lumière sur les herbiers de Crassule de Helm. Une bâche ou la plantation d’une végétation ombrageante peuvent faire l’affaire. Par exemple, jusqu’à 20 m², il faut recouvrir la surface de l’herbier pendant 10 semaines pour voir les premiers effets (1).

Les mesures de gestion prises contre la Crassule de Helm sont difficilement applicables à la vue des capacités d’adaptation de la plante. Ces mesures auraient déjà coûté en Angleterre entre 1,45 et 3 millions d’euros pour gérer 500 sites pendant 2 à 3 ans {Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes, 2007 1 /id}.

Perspective et recherche : des travaux surtout anglais

La recherche sur la Crassule de Helm est encore timide en France et beaucoup plus avancée en Grande Bretagne.

Pendant les années 1990 et 2000, les scientifiques ont porté leur attention sur la Crassule de Helm. En Angleterre en particulier, les chercheurs ont tenté d’évaluer son potentiel invasif dans les milieux aquatiques (6,7,8,9). En Hollande, les mêmes études ont été conduites (10) et certains auteurs ont préconisé sa destruction préventive (11).

Une équipe a également conduit des recherches sur l’effet de la Crassule de Helm sur le développement et la croissance des Tritons, ainsi que sur la compétition avec la végétation autochtone (5). Il semblerait, d’après les auteurs, que la présence de la Crassule de Helm provoque un retard de l’éclosion des œufs d’Amphibiens qui ont été déposés sur ses feuilles. Par ailleurs, les expériences ont également montré que la Crassule de Helm provoque une baisse de la germination de plus de 80% des autres plantes du milieu colonisé sans toutefois modifier la qualité de la réserve de graines présentes dans le sol.

De nombreuses recherches anglaises ont porté sur l’efficacité des herbicides sur la Crassule de Helm (12,13,14,15). Les substances les plus efficaces sont le Diquat et le Glyphosate. Cependant, ces molécules n’ont jamais éliminé totalement la plante (voir paragraphe précédent).

Rédigé par Fabrice Pelloté (Inra) en collaboration avec Jacques Haury (Agrocampus-Inra).

Références

Ouvrages et publications

1. Saint-Maxent T. 2002. Les espèces animales et végétales susceptibles de proliférer dans les milieux aquatiques et subaquatiques: rapport de stage de DESS Gestion des ressources naturelles renouvelables. p.80-83. https://iris.univ-lille1.fr/dspace/bitstream/1908/752/1/G2002-305.pdf
2. Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes. 2007. Crassula helmsii. Bulletin OEPP/EPPO Bulletin. Vol. 37 (2) - 2p. http://www.eppo.org/QUARANTINE/plants/Crassula_helmsii/Crassula_helmsii_DS.pdf
3. Diard L. 2005. La flore d'Ille et vilaine. 670p. Siloë. Laval
4. Institut de géoarchitecture. 2007. Plantes invasives. Compte-rendu de l'étude. 55p. Brest métropole océane. Brest
5. Langdon, S., Marrs, R., Hosie, C., McAllister, H., Norris, K., and Potter, J. 2004. Crassula helmsii in U.K. ponds: effects on plant biodiversity and implications for newt conservation. Weed Technology. Vol. 18 (Suppl.) - p.1349-1352.
6. Clarke, S. and Newman, J. 2002. Assessment of alien invasive aquatic weeds in the UK. 13th Australian Weeds Conference: weeds "threats now and forever?", Sheraton Perth Hotel, Perth, Western Australia, 8-13 September 2002: papers and proceedings. p.142-145.
7. Dawson, F. and Warman, E. 1987. Crassula helmsii (T. Kirk) Cockayne: is it an aggressive alien aquatic plant in Britain? Biological Conservation. Vol. 42 (4) - p.247-272.
8. Harper, M. 2000. At war with aliens: changes needed to protect native plants from invasive species. At war with aliens: changes needed to protect native plants from invasive species. 11p.
9. Shaw, R. 2003. Aliens on the march. Garden (London). Vol. 128 (6) - p.464-465.
10. Horsthuis, M. and Zonderwijk, M. 2003. More attention for Crassula helmsii (Kirk) Cockayne. Gorteria. Vol. 29 (1/2) - p.1-6.
11. Brouwer, E. and Hartog, C. 1996. Crassula helmsii (Kirk) Cockayne, an adventive species on temporarily exposed sandy banks. Gorteria. Vol. 22 (6) - p.149-152.
12. Child, L. and Spencer-Jones, D. 1995. Treatment of Crassula helmsii - a case study. Plant invasions: general aspects and special problems.Workshop held at Kostelec nad Cernymi lesy, Czech Republic, 16-19 September 1993. p.195-202.
13. Dawson, F. and Henville, P. 1991. An investigation of the control of Crassula helmsii by herbicidal chemicals (with interim guidelines on control). Final report. An investigation of the control of Crassula helmsii by herbicidal chemicals (with interim guidelines on control).Final report. 107p.
14. Dawson, F. 1996. Crassula helmsii: attempts at elimination using herbicides. Hydrobiologia. Vol. 340 (1/3) - p.241-245.
15. Spencer-Jones, D. 1994. Some observations on the use of herbicides for control of Crassula helmsii. Ecology and management of invasive riverside plants. p.15-18.

Sites internet
A : Centre for ecology and hydrology (Natural environnement research council)

B : Invasive non-nativespecies in the UK



Plantlife

Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes