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Dernière modification le 05 mai 2008


La Spartine à feuilles alternes (Spartina alterniflora)

Introduite en France à la fin du XVIIème siècle, la Spartine à feuilles alternes colonise des zones encore localisées mais y engendre déjà des nuisances écologiques importantes. Si des mesures de gestion ont été mises en place, il semble que l’éradication de ses herbiers soit une tâche ardue sinon impossible.


Description, origine et répartition géographique : une plante des vases littorales

Venue d’Amérique via l’Angleterre, la Spartine commence à coloniser l’Ouest.

Description et classification

La Spartine à feuilles alternes est une plante herbacée qui porte le nom scientifique de Spartina alterniflora Loisel.

 

Elle appartient à la famille des Poacées (anciennement les Graminées) qui regroupe des plantes aussi connues que le blé, l’Orge, la Canne à sucre, le Bambou…
La Spartine à feuilles alternes mesure de 60 à 250 cm de longueur. Ses feuilles d’une couleur vert-grisâtre mesurent de 20 à 55 cm de longueur sur 5 cm de large ( A). Elle est dotée d’un rhizome.

C’est une espèce pionnière des zones littorales vaseuses. Elle colonise en effet la slikke, cette partie de la vasière qui est recouverte à chaque marée. Cette zone d’aspect lisse et grisâtre peut s’étendre sur des surfaces de plusieurs kilomètres carrés. La Spartine à feuilles alternes est donc particulièrement adaptée aux eaux salées.

Il existe plusieurs autres espèces de Spartines en France (1). Spartina maritima est une espèce autochtone qui occupe les mêmes milieux que S. alterniflora. S. townsendii est une autre espèce de Spartine, hybride stérile issu du croisement entre S. maritima et S. alterniflora. Le statut de S. townsendii est ambigu car il est considéré comme espèce nouvelle qui se situe donc sur son aire de répartition naturelle.
De plus, avec le temps S. townsendii a donné naissance à une nouvelle forme, par doublement chromosomique, et nommée S. anglica.
De par sa vitalité ce dérivé d'hybride occasionne une menace importante pour la biodiversité. Cependant, il ne correspond pas à la définition d’une espèce invasive au titre de celle donnée dans ce site.

Reproduction
La Spartine à feuilles alternes se reproduit par voie sexuée (pollinisation, fécondation et production de graines) ou par voie végétative (l’herbier s’étend grâce au développement des rhizomes).
Les inflorescences sont regroupées en panicule, sorte d’épi situé au bout de la tige. Ils mesurent de 10 à 40 cm de longueur et peuvent être au nombre de 5 à 13 (2).
Les rhizomes permettent également à la plante de se propager.

Origine et répartition (1,3)
La Spartine à feuilles alternes est originaire d’Amérique du Nord où elle se développe également dans des zones côtières vaseuses.
Spartina alterniflora aurait été introduite en 1836 dans le port de Southampton en Angleterre. De là elle aurait été transportée vers les côtes françaises.
En France, la Spartine à feuilles alternes n’est présente qu’en Bretagne, dans la rade de Brest (29). Elle y forme de vastes herbiers très denses qui colonisent la slikke mais aussi des zones plus élevées.

Le phénomène et ses effets : des herbiers très denses et très compétitifs

La Spartine à feuilles alternes en formant d’épais herbiers concurrence des espèces autochtones typiques des marais littoraux.

Capacités de colonisation
La Spartine à feuilles alternes peut former rapidement de vastes herbiers très denses grâce à la vivacité de ses rhizomes.

Impacts (1)
La Spartine à feuilles alterne, si elle se développe en un seul lieu de la région, provoque des déséquilibres importants à l’écosystème. Depuis une dizaine d’années, elle fait preuve d’une forte dynamique et montre une expansion croissante tant et si bien qu’elle gagne les prés salés situés au dessus de la slikke qu’elle colonise habituellement.
Les espèces typiques de ces milieux se retrouvent donc menacées de disparition. Dans la rade de Brest, la Petite statice (Limonium humile) est directement menacée par la Spartine à feuilles alternes. Or la Petite Statice n’est présente en France que dans la rade de Brest. Une colonisation trop rapide de la Spartine à feuilles alternes provoquerait la disparition pure et simple de la Petite Statice.

Gestion de la Spartine à feuilles alternes : un suivi et des actions engagés

En rade de Brest, la Spartine à feuilles alternes fait déjà l’objet de mesures de gestion efficaces.

Face à l’invasion de la Spartine à feuilles alterne, le Conservatoire botanique national de Brest ( CBNB) suit ses populations depuis 1991 et a mis en place des mesures de gestion de la plante ( B). Afin de stopper l’expansion des herbiers, les agents du CBNB ont posé des barrières en PVC dans le sol. Ce dispositif a permis de sauver des herbiers de Petite statice de la rade de Brest. Par contre, là où le dispositif n’a pas été mis en place, la Spartine à feuilles alternes a évincé la Petite statice.

Perspective et recherche : des recherches actives dans le monde entiers

La Spartine à feuilles alternes est très invasive partout où elle a été introduite. Des expérimentations ont donc été menées pour gérer ses populations.

En France, une thèse sur la Spartine à feuilles alternes est prévue prochainement. Elle sera suivie par le CBNB et les laboratoires Sciences de l’environnement marin ( Lemar) et le Laboratoire d'Ecophysiologie et de Biotechnologie des Halophytes et Algues Marines ( Lebham), basés à l’Institut universitaire européen de la mer ( IUEM).

Ailleurs, les équipes chinoises ont particulièrement travaillé sur cette plante qui est invasive depuis une dizaine d’années dans la région de Shangaï.
Les chercheurs ont mis en place un outil de modélisation de l’expansion de la plante. Elle diffuse une cartographie destinée à prédire les futures zones colonisées dans la zone touchée (4).
Des méthodes de lutte expérimentale ont également été testées dans ce pays. La fauche, la tonte, l’arrachage ont permis de réduire les surfaces colonisées mais il semble, d’après les auteurs, que la Spartine à feuilles alternes conquiert à nouveau les zones dégagées les années suivantes (5). La tonte au mois d’août serait dans ce cas la meilleure solution. Cependant, les auteurs affirment qu’il est nécessaire de poursuivre plus longtemps les expériences pour conclure avec certitude sur l’efficacité des mesures de contrôle.

Les effets de l’ensevelissement sur la Spartine ont également été testés. Celui-ci stimulerait la dynamique de la plante (6). Les accumulations de vase charriées par les cours d’eau permettraient donc aux herbiers de se développer rapidement.

Aux États–unis, les chercheurs ont testé le contrôle biologique. Ils ont introduits un champignon qui parasite les graines des Spartines à feuilles alternes. Celui-ci vient en complément d’un insecte déjà introduit et qui se nourrit de la sève des Spartines à feuilles alternes (7). Lors d’une autre expérience, les scientifiques ont tenté d’introduire un autre insecte (Prokelisia marginata) dans les herbiers de Spartine (8). Ils ont observé une diminution de la biomasse des herbiers de 50 % environ ainsi qu’une diminution de la hauteur des plantes de 15 %. Les auteurs préconisent toutefois d’expérimenter sur du plus long terme avant de conclure sur la validité de cette expérimentation à des échelles spatiales plus vastes.

 

Rédigé par Fabrice Pelloté (Inra) en collaboration avec Jacques haury (Agrocampus-Inra) et Sylvie Magnanon (CBNB).

Références

Ouvrages et publications

1. Muller, S. 2004. Plantes invasives en France. Vol. 168p. Publications scientifiques du Muséum. Nancy
2. Fitter R., Fitter A., and Farrer A. 1997. Guide des Graminées, Carex, Joncs et Fougères. p.112-113.
3. Conservatoire botanique national de Brest. 2000. Base Calluna: base de données sur la flore vasculaire de Bretagne, de Basse Normandie et des Pays de la Loire. Conservatoire botanique national de Brest. Brest
4. Huang, Hua mei, Zhang, Li quan, Guan, Yu juan, and Wang, Dong hui. A cellular automata model for population expansion of Spartina alterniflora at Jiuduansha Shoals, Shanghai, China. Estuarine, Coastal and Shelf Science. Vol. In Press, Corrected Proof
5. Li, Hepeng and Zhang, Liquan. An experimental study on physical controls of an exotic plant Spartina alterniflora in Shanghai, China. Ecological Engineering. Vol. In Press, Corrected Proof
6. Deng, Zifa, An, Shuqing, Zhao, Congjiao, Chen, Lin, Zhou, Changfang, Zhi, Yingbiao, and Li, Hongli. Sediment burial stimulates the growth and propagule production of Spartina alterniflora Loisel. Estuarine, Coastal and Shelf Science. Vol. In Press, Corrected Proof
7. Fisher, Alison J., DiTomaso, Joseph M., and Gordon, Thomas R. 2005. Intraspecific groups of Claviceps purpurea associated with grass species in Willapa Bay, Washington, and the prospects for biological control of invasive Spartina alterniflora. Biological Control. Vol. 34 (2) - p.170-179.
8. Grevstad, F. S., Strong, D. R., Garcia-Rossi, D., Switzer, R. W., and Wecker, M. S. 2003. Biological control of Spartina alterniflora in Willapa Bay, Washington using the planthopper Prokelisia marginata: agent specificity and early results. Biological Control. Vol. 27 (1) - p.32-42.

Sites internet
A : Invasive species specialist group : base de données sur la Spartine à feuilles alternes

B : Conservatoire botanique national de Brest


Pour en savoir plus
Téla-botanica