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Dernière modification le 01 mars 2010


Spécificités marines

Les spécificités du phénomène de l’invasion biologique en milieu marin : des inventaires récents et une prise de conscience plus tardive.


Les bases de données actuelles sur les processus d’introduction biologique en milieu marin sont moins fournies que celles existantes pour le milieu terrestre. Deux raisons peuvent être avancées.
Tout d’abord, en comparaison du domaine terrestre, la biodiversité marine est moins bien décrite dans les inventaires anciens et également moins bien conservées dans les collections. Le début d’une histoire richement documentée date ainsi de la fin du XIXe siècle avec la multiplication des inventaires. Il est donc plus difficile de retracer l’histoire ancienne des processus d’introduction biologique en milieu marin.
Par ailleurs, il est probable que ces introductions aient vu leur rythme s’intensifier relativement récemment, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. En effet, à cette époque, une innovation technologique majeure voit le jour avec le déploiement de ballasts liquides dans les navires de transports marchands. Avant leur développement, les ballasts (solides) étaient des vecteurs privilégiés de graines ou spores ou parties propagatrices de plantes terrestres. L’essor des ballasts liquide a conduit à un changement radical : l’eau de mer permet de transporter des larves et individus pélagiques en grande quantité.
Les ballasts liquides, l’intensification des observations et inventaires en milieu marin expliquent certainement que le taux d’invasion en milieu marin se soit considérablement accru au cours de la seconde partie du XXe siècle. Ainsi, le long des côtes atlantiques européennes, 61 % des premières signalisations d’introduction sont postérieures à 1960 .

Des introductions accidentelles ou intentionnelles

Les invasions biologiques en milieu marin n’échappent pas à ces deux modalités.
Avec la mise en place de nouvelles filières aquacoles impliquant la culture in situ d’espèces non indigènes, l’aquaculture est un important vecteur d’introduction intentionnelle (voir paragraphe suivant). Etant exploitée dans un milieu non confiné, ces espèces peuvent s’échapper dans la nature. Par exemple, c’est le cas de l’huître creuse Crassostrea gigas ou de l’algue Undaria pinnatifida (wakame) sur les côtes bretonnes.
Par ailleurs, l’aquaculture favorise aussi les introductions accidentelles au même titre que les transports maritimes (ballast et fouling), l’aquariophilie ou la restauration. Par exemple, l’introduction d’huîtres à des fins aquacoles s’est accompagnée de l’introduction accidentelle d’un cortège d’espèces parasites ou fixées sur les coquilles d’huitre.

Difficulté de détecter l’introduction des espèces allochtones en milieu marin

Les observations ne sont pas encore assez importantes pour pouvoir déceler suffisamment tôt l’introduction d’une nouvelle espèce et pour beaucoup d’entre elles, la présence d’un stade microscopique dans le cycle de vie (exemple des larves, des gamètes) rend difficile l’observation et l’éradication.
Par ailleurs, de multiples vecteurs d’introduction peuvent jouer en synergie. C’est le cas de la crépidule introduite accidentellement par le fouling et l’ostréiculture, ou du wakame introduit intentionnellement à des fins de culture mais également accidentellement par fouling ou les eaux de ballast.
Le fouling (la souillure des coques des navires par des organismes marins qui s’y fixent) représente un mécanisme d’introduction accidentelle non-négligeable.
Les procédures de ballastage et déballastage des eaux de mer, utilisées pour stabiliser les navires durant leur voyage, est un vecteur d’introduction accidentelle particulièrement important. Des vertébrés, invertébrés, végétaux marins et leurs propagules (ensemble de cellules assurant la multiplication chez certains végétaux), espèces microscopiques ou des larves de plus gros organismes sont ainsi transportés sur de longues distances. Une étude menée en Europe sur 550 navires entre 1992 et 2000 a permis d'identifier près de 1000 taxons transportés par les eaux de ballast.
En Bretagne, l’aquaculture est un vecteur important d’introduction, intentionnelle et accidentelle (comme précisé dans le paragraphe précédent).
Certaines espèces ont été introduites intentionnellement par l’aquaculture comme l’algue Undaria pinnatifida, le clam Mercenaria mercenaria, l’huître japonaise C.gigas, ou la palourde japonaise Ruditapes philippinarum.
D’autres espèces ont été introduites accidentellement via l’aquaculture tels que les parasites des huîtres, des moules, des espèces commensales (ou espèces accompagnatrices) comme l’ascidie Styela clava, le mollusque Cyclope neritea ou l’algue Sargassum muticum.
Plus particulièrement, et depuis les années 1970, la conchyliculture représente une part importante des introductions du littoral Ouest Cotentin à l’estuaire de la Loire. En 2008-2009, les productions de moules et d’huîtres en Bretagne représentent à 34,5 % de la production nationale.
Enfin, les besoins de maturation et d’affinage des huîtres génèrent un transfert entre bassins de production de Manche et d’Atlantique. Ces échanges favorisent la propagation des espèces exotiques.
Ainsi, la veille écologique des zones de fortes productions conchylicoles est un axe prioritaire pour la prévention des risques d’introduction en milieu marin. Face à ce problème, le conseil européen a émis le règlement (CE) n° 708/2007 du Conseil du 11 juin 2007 relatif à l'utilisation en aquaculture des espèces exotiques et des espèces localement absentes .
Sur sa façade Manche Atlantique française, 40% des introductions se font par ballast ou fouling sur les bateaux et 60% par l’aquaculture. Ces proportions sont une spécificité de la zone Manche Atlantique française puisqu’elles sont inversées à l’échelle mondiale : 40% pour l’aquaculture et 60% pour le ballast ou le fouling des bateaux.
Enfin rappelons que les côtes bretonnes s’étendent sur plus de 2730 kms et sont situées le long des grandes routes maritimes internationales. Cette exposition maritime apporte un risque supplémentaire d'introduction d'espèces, par rapport à d'autres régions françaises ou européennes moins.
Dans le cas des introductions biologiques, le vecteur d’introduction n’est pas toujours connu. En effet, pour certaines espèces marines exotiques introduites en Bretagne, les experts n’ont pas de certitude sur le mécanisme/vecteur d’introduction.

Le cas des espèces cryptogéniques

Une espèce cryptogénique est une espèce dont le caractère introduit est suspecté voire probable, mais ne peut être affirmé. Cette suspicion repose, d'une part, sur le fait que l’aire de distribution naturelle n’est pas bien documentée; d'autre part, elle entretient une relation si étroite avec les activités humaines ou elle se trouve dans des habitats où se concentrent des activités humaines que l'on suppose pour une introduction via transports maritimes, aquaculture, etc. (Carlton 1996).

Une liste des espèces marines introduites

Pour traduire au mieux les réalités biogéographiques et environnementales du phénomène d’invasion biologique en milieu marin, la liste des espèces marines introduites ne peut s’inscrire dans le cadre de limites administratives.
La liste a d'abord pris en compte le golfe normano-breton jusqu’à l’estuaire de la Loire, depuis les eaux saumâtres jusqu’aux eaux côtières.
En effet, à cause de courants marins importants ou d’apports majeurs en eau douce, la pointe nord Cotentin et l’estuaire de la Loire sont considérés comme des frontières naturelles difficiles à franchir par les espèces marines.
Cependant, des espèces introduites dans les régions limitrophes pourraient, à plus ou moins long terme, effectuer une expansion géographique jusqu’en Bretagne. C’est pourquoi les espèces introduites présentant un caractère invasif dans la zone plus large de la Manche-golfe de Gascogne sont aussi listées.
Ainsi notre liste prend en compte :

pour la zone du golfe normano-breton à l’estuaire de la Loire :
- les espèces introduites, aujourd’hui établies dans le milieu naturel (c'est à dire qui se reproduisent dans le milieu sans intervention humaine) ;
- les espèces introduites à une certaine époque et aujourd’hui disparues;
(à peu de chose près il s'agit donc des eaux bretonnes territoriales)

pour les zones de la Manche-Atlantique en périphérie des zones précédentes :
- les espèces introduites envahissantes qui prolifèrent au détriment de l'écosystème en place, des activités économiques et/ou de la santé humaine;
(afin de tenir compte d'une possible future contamination des eaux bretonnes par des espèces à problème ayant conquis les eaux limitrophes du 44, 85, 17, voire 33 ou du 50 et 14).

Télécharger le livret de 44 pages compilant toutes les informations relatives aux espèces marines invasives : problématique, définition, fiches espèces, liste des espèces.

A l'échelle européenne, le Conseil international pour l'exploration de la mer ( ICES) tient annuellement à jour depuis 2008 l'état des recherches et bilan des invasives concernant le milieu marin ( télécharger les rapports annuels sur le site de l'ICES).

Rédigé par Julie Pagny (GIP Bretagne-environnement), en collaboration avec les membres du groupe de travail Espèces Marines Invasives (cf. Partenaires ) et notamment Michel Blanchard, Sandrine Derrien-Courtel, Michel Le Duff, Auguste Le Roux, Valérie Stiger-Pouvreau, Frédérique Viard.