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Dernière modification le 05 mai 2008


Les Jussies (Ludwigia sp.)

Introduites en France à la fin du XIX ème siècle, les Jussies ont largement colonisé l’Hexagone au point de menacer aujourd’hui la biodiversité des eaux stagnantes, des cours d’eau lents et des prairies inondables dans plusieurs régions dont la Bretagne fait partie. Si des tentatives de gestion existent, elles sont difficiles à mettre en œuvre, coûteuses et parfois peu efficaces, si bien que les populations bretonnes de ces espèces semblent encore en expansion.


Description, origine et répartition : des herbiers denses de plantes amphibies

Arrivées il y a environ vingt ans en Bretagne, ces plantes aux fleurs jaunes se sont installées dans le bassin de la Vilaine et les autres cours d’eau bretons

Description sommaire

Originaires d’Amérique du Sud, les Jussies sont des plantes aquatiques amphibies de la famille des Onagracées. Elles sont fixées par un rhizome plus ou moins long et leur tige peut atteindre 6 m de long. Au début de l’été, ces plantes s’ornent de belles fleurs jaunes très prisées des amateurs de bassins et plans d’eau d’ornementation. Les Jussies fanent à l’automne après leur fructification et les premiers gels.

On observe en France les espèces Ludwigia peploides (Kunth) P.H.Raven et Ludwigia grandiflora (synomie : L. uruguayensis (Cambess.) H. Hara) dont il existe 2 sous-espèces : grandiflora et hexapetala. En Bretagne, seraient présentes la sous espèce grandiflora de Ludwigia grandiflora (notée Ludwigia grandiflora ssp. grandiflora) et Ludwigia peploïdes ssp. montevidensis. Cette dernière n’a été trouvée que sur la commune de Plemet dans les Côtes d’Armor.
Cependant, la différenciation entre ces deux espèces est difficile et nécessite souvent une analyse très détaillée. Le seul critère morphologique indubitable correspond à la forme des stipules des tiges érigées : aigü, noirâtre et triangulaire pour L. grandiflora et arrondi-obtus, brun clair pour L. peploides

En outre, la morphologie de ces plantes est variable au sein d’une même espèce : selon le niveau de l’eau, la Jussie va développer des feuilles frêles et arrondies (plantes submergées) ou des feuilles allongées et plus coriaces (plantes émergées). Elles peuvent aussi développer des formes terrestres de morphologie très variable. Dans les milieux colonisés, elles s’associent en herbiers denses immergés ou émergés, quasiment impénétrables.
C’est la raison pour laquelle nous ne parlons que des Jussies ou de la Jussie en général sans en distinguer les différentes espèces.

Reproduction

En Bretagne, les Jussies se multiplient par bouturage de fragments cassés. Des études récentes ont affirmé que la germination n’est pas effective dans notre région mais possible plus au sud (1).
Par ailleurs, il a été observé que des graines prélevées dans le Morbihan germaient en conditions de laboratoire. La plante semblent donc s’adapter très vite à son milieu de vie breton.


Introduction en France

Les premiers témoignages de leur présence dans les milieux naturels remontent aux années 1830, dans le Lez (Hérault), dans la région de Montpellier. En effet, elles furent introduites en France initialement, il y a un peu plus d’un siècle pour orner les bassins d’agrément. Depuis, elles ne cessent de proliférer au détriment de la biodiversité aquatique indigène.
D’autres introductions ont probablement eu lieu dans le sud-ouest de la France. Parties du sud de la France, elles repoussent depuis lors régulièrement les limites de leur aire de répartition vers le nord. On les trouve aujourd’hui sur une grande partie du territoire métropolitain, même si elles sont plus abondantes le long du littoral méditerrannéen, dans le sud-ouest et sur la façade atlantique.

Introduction en Bretagne et zones touchées

La période et le mode d’introduction de la Jussie en Bretagne ne sont pas documentés. Il semblerait que, comme dans le sud de la France, il s’agisse de vidanges répétées d’aquarium ou de bassin d’ornementation qui auraient provoqué l’invasion biologique de l’ensemble des bassins versants concernés. Elle est également soupçonnée d’être échappée des jardins publics et privés (2).

La première observation de Jussie en Bretagne date de 1987 (3), dans les environs de Rennes. Une vingtaine de communes de ce département sont ainsi touchées. Elle a depuis envahi une grande partie du bassin versant de la Vilaine jusqu’à l’embouchure du fleuve dans le Morbihan.
Ainsi, en 2003, elle s’était disséminée sur un total cumulé de cours d’eau de plus de 130 km sur le bassin de la Vilaine, surtout entre Rennes et Redon (A).

La Jussie est présente sur les cours d’eau principaux, mais également dans les ruisseaux, les douves et les fossés. Elle peut également pénétrer dans les zones humides alentours qu’elle colonise facilement.

Les zones les plus touchées du bassin versant de la Vilaine se situent autour de Redon où des sites connaissent une forte colonisation par la plante qui recouvre par endroit 100 % de la surface.

Au nord de Rennes, la Jussie occupe plusieurs sites comme le canal d’Ille et Rance, les étangs d’Apigné et les Gayeulles.

La Jussie est apparue plus récemment dans le Finistère et les Côtes d’Armor. Les premières observations relatées datent du milieu des années 1990. Les communes touchées sont moins nombreuses qu’en Ille et Vilaine et qu’en Morbihan mais cela peut rapidement évoluer.

Le phénomène et ses effets : aucune régulation naturelle et une modification rapide des milieux aquatiques colonisés.

Aucun obstacle naturel ne semble en mesure de contenir la progression des Jussies vers le nord de la France. L’expansion rapide des Jussies change radicalement les milieux aquatiques au détriment des espèces autochtones et altère la structure physique des lieux envahis.

Des capacités de colonisation impressionnantes

Loin de leur continent d’origine, l’Amérique latine, les populations de Jussies ne sont régulées par aucun prédateur, aucune concurrence végétale, aucun parasite. Dans des conditions favorables, leurs herbiers peuvent quasiment doubler leur surface et leur biomasse en deux ou trois semaines.
Seul une limitation par l’ombrage apporté par la ripisylve peut limiter le développement des herbiers. Quelques attaques localisées par les insectes herbivores ou les Ecrevisses de Louisiane et les Ragondins ont néanmoins été observées récemment sans toutefois réduire leur développement.

Peu sensibles à la qualité de l’eau, ces plantes font preuve d’une grande capacité d’adaptation vis-à-vis des variations des concentrations en éléments nutritifs et de la nature des fonds.

Alors qu’on les trouvait plutôt initialement dans le sud de la France, leur résistance au gel (grâce aux rhizomes et tiges enfouies dans l’eau ou le sédiment) leur a permis de repousser les limites de leur aire de répartition vers le nord.
La Jussie doit ses capacités d’expansion à l’efficacité de sa reproduction végétative. Il suffit en effet d’une bouture de quelques centimètres pour engendrer le développement d’une population entière dans un bassin versant. Ceci explique la rapide colonisation des bassins versants bretons.
L’extraction et le curage qui sont pratiqués pour entraver leur progression, s’ils ne sont pas menés avec de grandes précautions, peuvent même au contraire favoriser leur propagation en dispersant des boutures d’un site à l’autre.
La reproduction sexuée, récemment découverte en Bretagne, ne pourra que faciliter son expansion.

Nuisances

Problèmes écologiques

Les herbiers s’étendent rapidement et modifient de ce fait en très peu de temps l’équilibre écologique des milieux colonisés. La prolifération des Jussies – comme celle du Myriophylle du Brésil et des Elodées - a un impact important sur la biodiversité des milieux aquatiques envahis : elle entraîne un recul des autres populations animales et végétales indigènes incapables de s’adapter à ces changements rapides. L’écosystème aboutit alors à un peuplement monospécifique de Jussie. Ce phénomène a été observé sur les marais inondables de l’Erdre (44).
Cependant, lorsqu’ils sont en faible densité, les herbiers de Jussies peuvent créer un abri et des zones de frai pour les poissons (B). Cet impact positif n’est plus décelable lorsque la densité des herbiers augmente.

Enfin, les herbiers de Jussie modifient les bilans en azote et phosphore des milieux qu’ils colonisent. Ils pourraient contribuer aux proliférations de bactéries dans de nombreux milieux. D’après Jacques Haury (Agrocampus), cet aspect est très mal documenté, sinon par des observations ponctuelles. Il devrait rapidement faire l’objet de recherches approfondies en raison de la conjonction de risques écologiques et sanitaires qu’il laisse supposer.

Impacts hydrauliques



Les herbiers influent aussi de façon plus ou moins réversible sur l’agencement du fond et des berges, de même qu’ils modifient l’écoulement de l’eau provoquant ainsi le comblement par sédimentation. Ce comblement accéléré limite les capacités de stockage des zones péri-fluviales en cas de crue et entraîne des risques d’inondation accrus à l’amont des sites modifiés.
En août 1995, la Vilaine a été bloquée à l’amont de Rennes par cette espèce.

La gestion des populations de Jussie en Bretagne : des acteurs et des méthodes diverses

A l’instar des autres régions françaises, les gestionnaires bretons ont mis en place des chantiers de contrôle de la Jussie sur les rivières et les plans d’eau bretons.
Cependant, malgré des nuisances notoires, les chantiers demeurent localisés et ne sont pas coordonnés à grande échelle. Les retours d’expériences sont quasi-inexistants et ne permettent donc pas de progresser dans le contrôle de la jussie. Toutefois quelques institutions ont commencé depuis quelques années à inventorier et gérer plus rigoureusement le problème de la Jussie.

Les acteurs de la gestion

Le contrôle des populations de Jussie implique plusieurs types d’acteurs environnementaux, des collectivités territoriales aux entreprises en passant par les associations et les services de l’Etat.
Parmi ces organismes gestionnaires, l’Institut d’aménagement de la Vilaine ( IAV), créé conjointement par les Conseils généraux d’Ille et Vilaine, du Morbihan et de la Loire-Atlantique, a mis en place un plan de suivi des populations d’espèces invasives, dont fait partie la Jussie. Cet inventaire (4) réalisé par le Comité des marais et des rivières du Pays de Redon a réuni de nombreux acteurs tels que les associations locales de protection de l’environnement, les associations de pêche, les Directions départementales de l’équipement, les Conseils généraux, le Conseil régional, des bénévoles…

L’inventaire a donné lieu à l’élaboration d’un programme de gestion coordonnée de la Jussie (5) qui permettrait non pas d’éradiquer la plante (ce qui est jugé impossible actuellement) mais de contrôler la densité des herbiers sur l’ensemble du bassin. La méthode consiste à définir et à maintenir un état zéro considéré comme écologiquement, économiquement, socialement acceptable. A partir de cet état, il est prévu que l’ensemble des acteurs du bassin versant effectue un entretien régulier, chacun dans son secteur d’intervention afin de maintenir la Vilaine et ses affluents dans l’état défini comme acceptable.

Le Syndicat du don a également pratiqué des inventaires et une gestion des Jussie sur l’ensemble de son bassin versant.

Dans le même contexte, l’Institution du canal d’Ille et Rance Manche océan nord ( Icirmon) s’est associé à l’IAV et a réalisé sur son territoire un inventaire bisannuel des espèces invasives, dont la Jussie. Il réalise ensuite les opérations de gestion adaptées.
Dans le Finistère, l’agglomération Brest métropole océane ( BMO) a également réalisé un inventaire des espèces de plantes invasives sur son territoire (6). L’ Institut de Géoarchitecture, qui a réalisé l’inventaire, a trouvé la Jussie dans plusieurs plans d’eau du territoire inventorié. Le risque de propagation à l’ensemble du réseau hydrographique est réel lors de fortes pluies, surtout s’il y a des transplantations intempestives.

Les méthodes de gestion

Les gestionnaires ont le choix entre plusieurs méthodes (7) pour combattre contre la Jussie et les autres espèces invasives. Le choix de l’une ou de l’autre dépend de nombreux critères comme par exemple, la surface de l’herbier, l’accessibilité, le but fixé sur la zone à traiter (entretien, éradication…). En voici quelques unes :

L’arrachage manuel

C’est la technique la plus employée. Elle consiste à récolter manuellement les espèces invasives à partir de la berge ou d’une barque. Les techniciens sont équipés de griffes manuelles qui leur permettent de remonter les plantes à bord d’une autre barque.

Cette technique bien que laborieuse permet un accès facile à de nombreuses zones infestées (canaux étroits). L’Icirmon utilise cette méthode sur une longueur de 25 km par an environ. L’IAV l’emploie régulièrement sur le territoire dont il a la gestion.

L’arrachage mécanique

Avec cette méthode, les Jussies sont arrachées à l’aide d’une pelle mécanique. Muni d’un bras prolongé par une griffe, l’engin peut arracher un volume important de plantes sur un vaste secteur. Le travail peut-être effectué à partir de la berge ou en montant la pelle sur des flotteurs. Dans ce cas, elle est accompagnée par un bateau ramasseur qui recueille les jussies arrachées et les dépose sur la berge.
L’arrachage mécanique doit être suivi d’un arrachage manuel qui consiste à récupérer les fragments de Jussies et à couper les quelques plantes encore enracinées non atteintes par la pelle.

Les herbicides

La lutte chimique consiste à épandre de l’herbicide sur les herbiers. La substance utilisée est le glyphosate ou le dichlobényl, dans des formulations adaptées aux milieux aquatiques.
Mais la décomposition des végétaux éliminés par les herbicides entraîne une désoxygénation du milieu, ce qui est préjudiciable à l’écosystème.
Cette méthode est interdite sur l’ensemble du territoire breton, hormis dans les eaux closes strictement non connectées au réseau hydrographique. Elle est de plus interdite en zones humides sur l’ensemble du bassin versant de la Vilaine.

Le contrôle biologique

Il s’agit d’introduire un insecte Coléoptère (Lysathia ludoviciana) dans les herbiers de Jussie (8). Des résultats encourageants ont été obtenus mais cette solution est hasardeuse. L’insecte introduit peut s’attaquer à d’autres espèces de plantes, se développer à outrance et donc accentuer l’effet pervers de l’invasion biologique. Cette technique est donc à proscrire en l’état actuel des choses.
Des observations de la consommation de Jussies par un autre insecte (Altica lythri) ont également été faites (9).
Enfin, il est à signaler que les carpes phytophages sont inefficaces sur les jussies, dans l’état actuel des connaissances. Des essais ont en effet été effectués sans succès.

Une quinzaine de chantiers de gestion de plantes invasives ont eu lieu sur le bassin de la Vilaine en 2003 pour une somme supérieur à 444 000 €. La Jussie est la principale espèce visée lors de ces chantiers.
Les chantiers d’arrachage de Jussie peuvent être effectués par les services techniques des différentes institutions ou bien être délégués à des entreprises spécialisées ( HLB environnement, Riparius, Terrien, Fougère...)


Résultats obtenus

Souvent, c’est la combinaison de plusieurs méthodes de travail qui connaît les meilleurs résultats. Par exemple un arrachage mécanique suivi d’un arrachage manuel diminue le risque de nouvelle repousse.
Uns fois les zones traitées il convient de réaliser une visite régulière d’entretien afin d’arracher les nouvelles pousses de Jussie et d’éviter une nouvelle infestation.
En effet, la rigueur des visites d’entretien conditionne la réussite des opérations de gestion. Certaines zones traitées par arrachage qui n’ont pas été revisitées ont de nouveau été infestées l’année suivant le traitement (7).
Lors de toute opération d’entretien de zones infestées par des Jussies, il appartient au personnel de nettoyer parfaitement le matériel utilisé. En effet, la Jussie a une capacité de propagation telle qu‘un simple fragment de plante laissé sur du matériel pourrait atteindre d’autres milieux et former un nouveau peuplement.

En Bretagne, il existe d’autres chantiers de gestion de Jussie, menés par les communes, les communautés de communes ou encore par des syndicats de rivière. De ce fait, les informations sur la gestion sont difficiles à obtenir et ne font l’objet ni de protocole ni de rapport écrit et consultable.

Les mesures de gestion devraient être accompagnées de la mise en place d’un état initial qui permettrait de définir l’efficacité de la gestion.
Il n’existe pas encore de solutions toutes faites qui permettraient d’éradiquer totalement l’espèce des milieux. Les progrès ont été réalisés surtout dans les combinaisons des techniques de gestion et sur l’écologie de l’espèce.
Enfin, compte tenu de la grande variabilité des populations de Jussie, toute extrapolation de solution de gestion d’un territoire vers un autre est à prendre avec beaucoup de précautions.

Traitement des déchets de jussie

Les grandes quantités de Jussie évacuées des cours d’eau bretons génèrent d’importants volumes de déchets. A titre d’exemple, en 2003 sur le secteur de l’Isac, de l’Oust, de la Chère et sur l’ancien cours de la Vilaine, l‘IAV a du géré 8000 m3 de déchets de Jussie (5). L’Icirmon, a extrait 600 m3 de Jussie au cours de l’année 2007 (200 m3 en 2006). L’importance de ces volumes oblige donc les gestionnaires à trouver des solutions d’élimination avec deux priorités :

  • Eviter une nouvelle propagation des Jussies à partir des tas formés sur les berges
  • Tenter de valoriser ces déchets par des filières adaptées

L’enfouissement (parfois accompagné d’un chaulage) et l’incinération sont les méthodes les plus utilisées pour se débarrasser des plantes invasives.

Actuellement, sur le bassin de la Vilaine, les plantes sont chaulées et enfouies. Les agriculteurs peuvent également les utiliser comme engrais vert sur des zones non humides ou les faire sécher avec du fumier. Elles sont également utilisées comme remblai (5). L’Icirmon a pris le parti de les incinérer après les avoir laissées sécher.

Réglementation

Les Jussies sont concernées par l’article L. 411-3 du Code de l’Environnement qui interdit la vente, le transport et l’introduction dans le milieu naturel de toute espèce non indigène.
Un récent décret paru le 2 Mai 2007 (C) a été pris afin de limiter la propagation de la Jussie dans les milieux naturels. Il concerne Ludwigia grandiflora et Ludwigia peploides ainsi que leurs éventuelles sous-espèces.

Perspective et recherche : de nombreuses pistes explorées

Considérée comme l’une des espèces les plus invasives de Bretagne, la Jussie a rapidement fait l’objet de tentatives de gestion aidée par une recherche scientifique active. Face à cette invasion, les scientifiques tentent d’élucider le comportement invasif de la Jussie dans les sites qu’elle infeste et travaillent en partenariat avec les gestionnaires.

Les acquis de la recherche

Le programme Invabio, lancé en 1999, par le Ministère de l’écologie et du développement durable, a permis de mettre en place une recherche de grande envergure sur les espèces invasives dont fait partie la Jussie.
Coordonnée par l’équipe Réseaux, épuration et qualité des eaux du Cemagref de Bordeaux, les recherches engagées sur la Jussie dans le cadre de ce programme ont également impliqué Agrocampus à Rennes, les Universités de Marseille , Tours, Angers (10,11). Ces établissements couvrent l’ensemble des régions colonisées par la Jussie. Les études menées dans cette optique ont abordé la problématique sous plusieurs aspects:

  • Aspect biologique et écologique, de la Jussie qui tente de comprendre pourquoi la plante se développe aussi rapidement dans les milieux aquatiques
  • Aspect éthnobotanique afin de comprendre la perception par le public de l’invasion de la Jussie
  • Aspect économique pour calculer précisément les coûts de gestion que la Jussie engendre
  • Transferts de connaissances vers les gestionnaires

Domaine biologique et écologique

Les recherches ont d’abord permis d’identifier précisément les espèces et sous espèces de Jussie présentes en France.

Les nombreuses études menées dans ce cadre ont montré que le milieu colonisé influençait grandement la forme et la dynamique de la plante.
Les essais de germination ont montré que la Bretagne constituait la limite nord des capacités de la plante à utiliser la reproduction sexuée.

Domaine ethnobotanique

Le résultat de l’étude ethnobotanique montre qu’il existe deux visions de l’invasion de la Jussie. La première, celle des scientifiques, prône un recul par rapport au phénomène. Une prise en compte de l’ensemble des données et connaissances relatives à la Jussie est nécessaire avant de mettre en place des mesures de gestion. L’autre, celle des élus et gestionnaires, préconise des interventions rapides sur le terrain. La première vision peu satisfaisante, eu égard aux nombreuses incertitudes des scientifiques est toutefois celle qui est le plus à même d’apporter des réponses fiables sur le long terme.

Domaine économique

Le volet économique de l’étude Invabio sur la Jussie stipule qu’une gestion optimale de la plante sur un site consiste en le maintien d’une petite population par un entretien manuel régulier plutôt que par de rares et coûteuses opérations de grandes envergures.

Transfert des connaissances

Les scientitifiques ont régulièrement fait part de leur avancées aux gestionnaires, afin d’optimiser les mesures de gestion des plantes.

La recherche en cours

Si le programme Invabio s’est terminé en 2006, la recherche sur la Jussie n’a pas pour autant cessé. En effet, des progrès ont été faits dans la connaissance de la Jussie, mais:

  • des questions se posent sur la possibilité de reproduction sexuée des populations bretonnes
  • il faut mieux connaître les rôles écologiques des herbiers de jussies selon les différents types de milieux colonisés et étudier notamment leurs relations avec la qualité de l’eau. Des possibilités dépuration des eaux mais aussi de facilitation des proliférations de cyanobactéries sont possibles.
  • les processus de colonisation des zones non aquatiques et les adaptations au milieu terrestre sont également à étudier. Les risques de prolifération dans les zones inondables sont très importants, et dans ces milieux, il n’existe pas de technique connue de contrôle de la jussie.

Les chercheurs et ingénieurs d’Agrocampus, ont dores et déjà réalisé plusieurs études sur les différentes plantes invasives qui peuplent les étangs d’Apigné au sud-ouest de Rennes. Ils ont effectué des mesures de biomasses de ces plantes sur les différentes zones colonisées, mesuré les teneurs en minéraux dans l’eau et le fond des étangs et cartographié les zones envahies (12).

Plusieurs de leurs travaux portent sur le phénomène de concurrence entre la Jussie et les autres espèces invasives. Les interactions entre la Jussie et l’Elodée dense (13), entre la Jussie et le Myriophylle du Brésil (14) (résultats évoqués lors d’un colloque à Rennes en Novembre 2007), entre la Jussie et le Paspale (15) ont été étudié avec un objectif de gestion par interaction entre ces plantes.

Agrocampus travaille également sur le développement des Jussies en prairies inondables, le long de la Vilaine.

Une thèse financée par l’ Agence de l’eau Loire-Bretagne est actuellement en cours à l’université de Tours. La thématique abordée porte sur les relations de la plante avec les écosystèmes dans la Loire moyenne.

Aussi, rien que sur le bassin Loire-Bretagne, la recherche sur la Jussie est très active et tente réellement de trouver des solutions adaptées aux milieux aquatiques. Il serait néanmoins indispensable, vue l’ampleur de l’invasion, de développer un programme recherche de grande envergure sur la Jussie.

Rédigée par Fabrice Pelloté (Inra) en collaboration avec Jacques Haury (Agrocampus-Inra), Sylvie Magnanon (CBNB) et Philippe Clergeau (MNHN).

Références citées


Ouvrages et publications

1. Trocme M., Pipet N., and Bou M. 9-5-2005. Maîtrise de la colonisation et de la prolifération des Jussies dans le Marais poitevin. p.24-32. Région Pays de la Loire. http://www.corela.org/actions/thematiques/documents/200510colloquecoreve.pdf
2. Dutartre A., Haury J., and Planty-Tabacchi A.M. 1997. Introductions de macrophytes aquatiques et riverains dans les hydrosystèmes français métropiolitains: essai de bilan. Bulletin français de la pêche et de la pisciculture. Vol. 344/345p.407-426.
3. Diard L. 2005. La flore d'Ille et Vilaine. 670p. Siloë. Laval
4. Comité des marais et rivières du Pays de Redon et de Vilaine. 2003. Inventaire des plantes exotiques envahissantes du bassin versant de la Vilaine. 47p.
5. Institut d'aménagement de la Vilaine (IAV). 2004. Programme de gestion coordonnée de la Jussie sur le bassin versant de la Vilaine. 37p.
6. Institut de géoarchitecture. 2007. Plantes invasives, compte-rendu de l'étude. 55p. Brest métropole océane. Brest
7. Matrat R., Anras L., Vienne L., Hervochon F., Pineau C., Bastian S., Dutartre A., Haury J., Lambert E., Gilet H., Lacroix P., and Maman L. 2006. Gestion des plantes exotiques et envahissantes en cours d'eau et zones humides. Guide technique. (Comité des Pays de la Loire de gestion des plantes exotiques envahissantes.). 84p.
8. MCGregor M.A., Bayne D.R., Steeger J.G., Weeber E.C., and Reutebuch E. 1996. The potential for biological control of Water primrose (Ludwigia grandiflora) by the Water primrose Flea beetle (Lysathia ludoviciana) in the southeastern United States. Journal of aquatic plant management. Vol. 34p.74-76.
9. Dutartre A., Poumeroulie S, Madigou C., and Grange J. 2006. Germination et dynamique de développement des plantules de Ludwigia grandiflora en milieu naturel et en conditions de laboratoire. Programme 2006. 41p.
10. Dutartre A., Dandelot S., Haury J., Lambert E., Le Goffe P., and Menozzi M.J. 2004. Les Jussies: caractérisation des relations entre sites, populations et relations humaines. Implications pour la gestion. Rapport intermédiaire. 44p. Programme de recherche "Invasions biologiques"
11. Dutartre A. 2006. Les Jussies: caractérisations des relations entre sites, populations et activités humaines, implications pour la gestion. p.91-96. Programme de recherche "Invasions biologiques". Colloque de restitution Moliets (Landes).
12. Coudreuse J., Haury J., Dutartre A., Debril J., and Ruaux B. 2005. Caractérisation de la colonisation par la Jussie (Ludwigia grandiflora ssp. hexapetala) et autres plantes envahissantes sur le site des étangs d'Apigné (mai 2004 - octobre 2005): orientations pour la gestion. 69p. Inra, Agrocampus, ville de Rennes
13. Rakotondrasoa H. 20-7-2007. Contribution à la gestion des complexes de macrophytes envahissants : Egeria densa (Egérie dense), Ludwigia grandiflora ssp. hexapetala (Jussie) et autres espèces dans la Basse Vallée du Don (44). Etude in situ et expérimentation en milieu contrôlé. 94p. Agrocampus de Rennes; Syndicat du bassin du Don
14. Coudreuse J., Ruaux B., and Haury J. 2007. Analyse de la phénoplasticité de la Jussie en réponse à l'influence de facteurs biotiques et abiotiques en conditions contrôlées. 16p.
15. Ruaux B. 2004. Etude quantitative de quelques populations de Jussie (Ludwigia hexapetala) sur le bassin versant de la Vilaine. Proposition de gestion. Mémoire de fin d'étude DESS "Environnement: sol, eaux continentales et marines". 75p. Agrocampus, Inra. Rennes


Sites internet

A : Le site de l’IAV
B : Le site de l’ Institut interdépartemental pour l’aménagement du fleuve Charente et de ses affluents
C : arrêté d'interdiction de commercialisation de la Jussie
En savoir plus
- Les Jussies : http://www.corela.org/publications/autres/documents/200605FicheJussie.pdf
- Projet de Schéma d’aménagement et de gestion des eaux de la Vilaine. Première partie : état des lieux du bassin, IAV, 2004
- Debril J. Gestion des déchets de Jussie par le compostage. Inra, Agrocampus de Rennes, Diren Pays de la Loire, and Comité des Pays de la Loire. 2005. ( http://www.corela.org/actions/documents/200601RapportCompostageDechetsJussie.pdf)
- Saint-Maxent T. 2002. Les espèces animales et végétales susceptibles de proliférér dans les milieux aquatiques et subaquatiques. Fiches espèces végétales. Agence de l'eau Artois-Picardie.