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Dernière modification le 05 mai 2008


L'Elodée crépue (Lagarosiphon major)

Très invasive dans certains étangs du sud-ouest de la France, l’Elodée crépue provient d’Afrique du Sud. Des introductions répétées lui ont permis de coloniser les plans d’eau bretons dans lesquels elle crée des nuisances encore localisées.


Description (1,2) origine et répartition : une espèce encore localisée

Tout comme les autres Hydrocharitacées qui colonisent les milieux aquatiques, l’Elodée crépue se développe localement et a entamé une colonisation des bassins versants bretons.

Classification, biologie, écologie

L’Elodée crépue porte le nom scientifique de Lagarosiphon major (Ridl.) Moss. Elle appartient à la famille des Hydrocharitacées qui regroupe de nombreuses plantes aquatiques dont plusieurs sont invasives en Bretagne.

Lagarosiphon major est une plante dont la tige peut atteindre jusqu’à 5 m de longueur mais dont le diamètre ne dépasse pas 3 mm. Elle porte des feuilles alternes fines, dentées et recourbées vers l’arrière.

Cette plante vit dans les milieux aquatiques à faible courant comme les pièces d’eau et les étangs. Elle peut toutefois se développer dans les parties abritées des rivières là où le courant est très faible.
La profondeur maximale atteinte est de 7 m grâce à une photosynthèse très efficace.
Elle se développe dans une gamme de température comprise entre 10 et 25 °C mais 18 °C est la température optimale pour son développement.

Reproduction
Lagarosiphon major se multiplie en France et en Bretagne par reproduction végétative. En effet, seule les pieds femelles sont présents dans nos milieux. La reproduction sexuée n’est donc pas possible. Aussi, la plante se propage dans les milieux aquatiques par émission de boutures qui se détachent de la tige et engendrent de nouvelles plantes par enracinement.
Dans son aire d’origine, Lagarosiphon major peut utiliser la reproduction sexuée.

Introduction et répartition
Lagarosiphon major est une espèce originaire d’Afrique du sud. Elle fut introduite en France à Paris dans les Jardins botaniques dans les années 1930 pour une utilisation récréative : l’aquariophilie et l’ornementation.
Elle colonisa ensuite le bassin parisien et fut considérée comme naturalisée dès la fin des années 1960.
Des introductions eurent également lieu dans l’ouest de la France. L’Elodée crépue est en effet présente dans les quatre départements bretons. En Ille et Vilaine, elle fut découverte pour la première fois dans la commune de Saint-Lunaire en 1991(3). Elle est dorénavant présente à chaque extrémité du département mais c’est au niveau du bassin de la Vilaine qu’elle se développe le plus.
Un étang de la commune de Montgermont, à proximité de Rennes, s’est vu colonisé dans les années 1990 puis la plante a disparu depuis quelques années suite à une vidange associée à un traitement chimique (4,5).
Le Morbihan connaît également une colonisation par Lagarosiphon major (6) mais celle-ci est limitée à quelques plans d’eau (étang de Campénéac, totalement envahi, les abords du Trévelo). La surface occupée par la plante atteint 2 ha. Par ailleurs, l’étang de Langoëlan a été complètement envahi, puis depuis trois ou quatre ans, le Lagarosiphon a complètement disparu. Le mécanisme de cette disparition est mal compris mais il existerait une relation avec les cygnes et les canards introduits sur l’étang ainsi qu’avec des proliférations de cyanobactéries.

Dans le Finistère et les Côtes d’Armor, l’Elodée crépue est encore très rare (une commune est touchée dans chaque département (7)).

L’invasion et ses effets : une invasive discrète

Tout comme les autres plantes aquatiques invasives, l’Elodée crépue a de fortes potentialités de perturbation des milieux qu’elle colonise.

Capacité de colonisation

L’Elodée crépue peut mettre en route des mécanismes de photosynthèse à des seuils lumineux très bas. Elle peut donc coloniser des zones très profondes et commencer à absorber la lumière dès le lever du jour et tard dans la journée. Cette capacité lui donne un avantage non-négligeable sur les autres espèces.
Les tiges de Lagarosiphon major peuvent couler et s’ancrer dans le fond de l’eau. De là elles peuvent émettre de nouvelles pousses.
Mais comme d’autres espèces invasives, l’Elodée crépue privilégie l’émission de propagules pour étendre sa surface. Les rivières en particulier, permettent de disperser ces propagules. En effet, très fragiles, les tiges qui se développent dans les zones calmes des rivières, peuvent s’arracher à la moindre augmentation de la vitesse du courant. Elles sont alors transportées vers de nouvelles zones plus calmes et contribuent donc à la propagation de l’espèce.

Nuisances
Les nuisances créées par Lagarosiphon major sont encore localisées en Bretagne.
Nuisances écologiques
Les fortes densités de Lagarosiphon major peuvent engendrer des modifications physico-chimiques de l’eau. Ce déséquilibre lié à l’acidité et à l’oxygène peut influencer les populations de poissons. Les données sur ce problème sont encore rares.
L’effet d’une prolifération de Lagarosiphon est similaire à celui créé par les autres plantes aquatiques invasives. Il entraine une disparition des plantes autochtones au profit d’un herbier monospécifique.

Nuisances hydrauliques
Quand le Lagarosiphon se développe à outrance il peut entraîner des problèmes d’accumulation de sédiments. Lorsque les tiges meurent, à la fin de leur cycle de vie, elles provoquent une accumulation de matière organique putrescible dans l’eau. Ce processus accélère le processus d’envasement des plans d’eau.

Nuisances aux usages
Des nuisances sont ressenties par les usagers des plans d’eau et des rivières. Le Lagarosiphon peut en effet entraver la navigation et donc limiter l’activité touristique.

La gestion de l’Elodée crépue en Bretagne

La gestion du Lagarosiphon major est encore balbutiante en Bretagne, mais déjà des acteurs s’y intéressent…

Les étangs de Montgermont (35) colonisés dans les années 1990 par Lagarosiphon major ont fait l’objet d’une étude réalisée par Agrocampus Rennes (4). Les auteurs de l’étude ont d’abord décrit l’état initial des étangs, nécessaire avant toute intervention (géologie, climatologie, volume). Ils ont également retracé l’histoire de leur colonisation par la plante et effectué des mesures biométriques sur les tiges et les feuilles et fait le point sur le peuplement de poissons de ces étangs.
Suite à cet état initial, ils ont envisagé une vidange de l’étang suivi d’un curage du fond des étangs. Ultérieurement la municipalité est intervenue par un traitement chimique à la fluridone (alors autorisée à l’époque) qui a entraîné la disparition définitive de la plante. La dose réellement utilisée est inconnue.

A Campénéac, la plante est très invasive sur l‘étang communal. Ce plan d’eau, situé en tête de bassin versant, est en relation direct avec le réseau hydrographique. Afin d’éviter une propagation de la plante en aval et de retrouver la fonction récréative de ce plan d’eau, la municipalité a décidé de mettre en place des mesures de gestion. Pour cela, l’Institut d’aménagement de la Vilaine ( IAV) et le Conseil général du Morbihan ont conseillé d’assécher cet étang pendant plusieurs mois. En effet, la plante, strictement aquatique, ne pourrait résister à une dessiccation prolongée. L’étang après un curage, serait ensuite remis en eau avec pourquoi pas la plantation d’espèces aquatiques locales (Roseau, Massette, Renoncule…).

Brest métropole océane ( BMO) a repéré l’Elodée crépue dans un inventaire des plantes invasives qu’elle a fait réaliser par l’ Institut de géoarchitecture (8). La plante est présente dans une mare privée dont elle occupe plus de 75 % de la surface. La situation de cette mare, en tête de bassin versant, présente un risque important de colonisation du bassin de la Penfeld par le Lagarosiphon major. C’est pourquoi, les auteurs préconisent un arrachage manuel à réaliser rapidement.

Perspective et recherche : une espèce encore non prioritaire

Encore localisé en Bretagne, Lagarosiphon major n’a plus fait l’objet de recherche depuis quelques années en Bretagne. C’est surtout dans le sud-ouest de la France que les chercheurs travaillent sur cette espèce.

Recherche française
Très présent sur les lacs et étangs d’Aquitaine, Lagarosiphon major est étudié par les chercheurs du Cemagref de Bordeaux dans le cadre d’un partenariat avec le syndicat mixte Géolande (40), gestionnaire des sites concernés.
Durant ces dernières décennies, ils ont testé diverses solutions de gestion de cette plante. Les expérimentations ont aussi bien concerné les essais d’herbicides (Endothall, Fluridone, Dichlobényl) (9) que la gestion des niveaux d’eau (1).
Cependant, le moissonnage des étangs, c'est-à-dire la récolte mécanique, est restée la solution la plus efficace pour y maintenir les activités humaines. Les herbicides ne fournissent en effet que des solutions ponctuelles avec un effet temporaire. Les produits testés, s’ils détruisent certaines parties du Lagarosiphon major, s’immobilisent dans la vase et n’atteignent plus la plante qui se régénère en deux ans.
Plus efficace, le moissonnage a tout de même coûté environ 360 000 francs par an au gestionnaire pendant une dizaine d’années (10). Les essais de compostage se sont avérés efficaces lorsque cette plante était mélangée à d’autres déchets verts (moins riches en eau) en quantité équivalente.

Les scientifiques ont observé que certains invertébrés (insectes et autres) pouvaient consommer le Lagarosiphon major mais sans pour autant réduire significativement ces populations (1).
Les tests de consommations par les poissons (Carpes chinoises) se sont également révélés inefficaces.

Recherche étrangère
Ecologie
A l’étranger comme en France, il a été observé que Lagarosiphon major tend à remplacer les autres espèces invasives comme les Elodées de Nuttall.
Des scientifiques ont tenté d’expliquer ce phénomène en mesurant et comparant le développement de Lagarosiphon major, Elodea Nuttalli et Elodea canadensis sous l’influence de différentes quantités de substances nutritives (azote et phosphore). Malheureusement, il leur a été impossible de prouver l’influence de ces minéraux sur cette compétition.(11)

Lutte chimique
Les recherches sur les pesticides se poursuivent également dans différents pays et dans le cadre de différentes problématiques : l’utilisation de Lagarosiphon major pour mesurer la toxicité des pesticides sur les milieux aquatiques(12,13) ou bien l’utilisation de pesticides pour lutter contre l’invasion de Lagarosiphon major.

En nouvelle Zélande où l’espèce est aussi invasive, les scientifiques testent l’efficacité de différents herbicides sur Lagarosiphon major pour compléter l’effet du Diquat, habituellement utilisé dans ce pays (14). Ces expériences ont testé l’effet du Dichlobényl, de l’Endothal et du Trichlopyr sur Lagarosiphon major et sur les plantes autochtones. Il semble que leurs effets n’aient été que transitoires sur le Lagarosiphon major, ce qui confirme les résultats du Cemagref. Seul l’Endothal a un effet notoire sur la plante visée. Ces expérimentations, réalisées en milieu fermé ne permettent pas de conclure sur la réelle efficacité des herbicides en milieu naturel.

Rappelons toutefois que réglementairement, en France, seuls les plans d’eau totalement déconnectés du réseau hydrographique peuvent être traités par des produits chimiques.

Cartographie
L’Irlande a récemment effectué un repérage du Lagarosiphon major dans ses plans d’eau (15). Six zones sont actuellement colonisées, dont une où la plante occupe toute la hauteur d’eau et occasionne des nuisances hydrauliques. A l’instar du travail actuellement réalisé par le Conservatoire botanique national de Brest ( CBNB), ce repérage précoce permettrait aux Irlandais de mettre en place les mesures de gestion adéquates avant une invasion à grande échelle.

Sociologie
Aux Etats-Unis, une étude a montré que les espèces introduites les plus problématiques sont celles qui sont le plus vendues par les sites d’achat sur internet (16). Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont mis en relation la liste des espèces invasives de leur pays, dont Lagarosiphon major, avec celles qui sont vendues en ligne par ces différents sites, dont nombre d’entre eux sont américains. Ils préconisent ensuite de mettre en place une législation plus ferme et une plus grande responsabilisation des utilisateurs pour éviter les problèmes d’invasions biologiques.

Rédigé par Fabrice Pelloté (Inra) en collabroration avec Sylvie Magnanon (CBNB) et Jacques Haury (Agrocampus-Inra).

Références

Ouvrages et publications

1. Muller, S. 2004. Plantes invasives en France. 168p. Publications scientifiques du Muséum. Nancy
2. Pelt J.M., Müller S., Dutartre A., Barbe J., GIS Macrophytes des eaux continentales, and Coord.Prygiel J. 1997. Biologie et écologie des espèces végétales proliférant en France. Synthèse bibliographique. Les études de l'Agence de l'eau. Vol. 68 199p.
3. Diard L. 2005. La flore d'Ille et Vilaine. -670p. Siloë. Laval
4. Abdallah T., Bruel H., Fishesser L., Martinez B., Bosca F., Cosnuau F., Lecerf N., and Ossant A. 1997. Plantes aquatiques proliférantes. Etude de cas: prolifération de Lagarosiphon major à Montgermont. 47p. Ensar,atelier thématique Génie de l'environnement, sous la direction de Haury J. Rennes
5. Haury J. 1998. Végétation des étangs des Hayettes, Commune de Montgermont. Note de synthèse. E.N.S.A. D.E.E.R.N. 17p. Ecol.Sci.phytosan.& I.N.R.A.Ecol.Aq. Rennes
6. Rivière G. 2007. La flore du Morbihan. 654p. Siloë. Laval
7. Conservatoire botanique national de Brest. 2000. Base Calluna: base de données sur la flore vasculaire de Bretagne, de Basse Normandie et des Pays de la Loire. Conservatoire botanique national de Brest. Brest
8. Institut de géoarchitecture. 2007. Plantes invasives, compte-rendu de l'étude. 55p. Université de Bretagne occidentale. Brest
9. Dutartre A. 2004. Présentation des lacs et des étangs landais, de la dynamique de quelques plantes aquatiques indigènes et exotiques et des modalités de gestion des plantes aquatiques exotiques envahissantes. Session de formation plantes aquatiques. 14p. Géolandes
10. Dutartre A., Oyarzabal, J, and Fournier L. 2005. Interventions du Syndicat mixte Géolandes dans la régulation des plantes aquatiques envahissantes des lacs et des étangs du littoral landais. Aestuaria. Vol. 6 p.79-97.
11. James, C., Eaton, J., and Hardwick, K. 2006. Responses of three invasive aquatic macrophytes to nutrient enrichment do not explain their observed field displacements. Aquatic Botany. Vol. 84 (4) - p.347-353.
12. Davies, J., Honegger, J., Tencalla, F., Meregalli, G., Brain, P., Newman, J., and Pitchford, H. 2003. Herbicide risk assessment for non-target aquatic plants: sulfosulfuron - a case study. Pest Management Science. Vol. 59 (2) - p.231-237.
13. Davies, J., Pitchford, H., Newman, J., and Greaves, M. 1999. Toxicity tests for assessment of pesticide effects on aquatic plants. 1999 Brighton crop protection conference: weeds.Proceedings of an international conference, Brighton, UK, 15-18 November 1999. (Volume 2) - p.717-722.
14. Hofstra, D. and Clayton, J. 2001. Evaluation of selected herbicides for the control of exotic submerged weeds in New Zealand: I. The use of endothall, triclopyr and dichlobenil. Journal of Aquatic Plant Management. Vol. 39 p.20-24.
15. Cotton, D. and Caffrey, J. 2000. Curly waterweed Lagarosiphon major (Ridley) Moss, in Ireland. Irish Naturalists' Journal. Vol. 26 (9) - p.327-328.
16. Kay, S. and Hoyle, S. 2001. Mail order, the Internet, and invasive aquatic weeds. Journal of Aquatic Plant Management. Vol. 39


Site internet
Téla botanica : fiche sur le Lagarosiphon major