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Dernière modification le 05 mai 2008


Le Rat musqué (Ondatra zibethicus)

Rat musqué

Introduit pour sa fourrure au début du XX ème siècle, le Rat musqué, Ondatra zibethicus (Linné,1766) a colonisé la France en l’espace de quelques décennies. Originaire d’Amérique du Nord, l’animal est désormais présent sur l’ensemble des zones humides et cours d’eau de la Bretagne. Il y provoque des nuisances non négligeables et ne fait pas l’objet de mesure de gestion spécifique.


Description, origine et répartition

Le Rat musqué est un rongeur aquatique qui appartient à la famille des Muridés, tout comme les souris, les rats… Il mesure de 25 à 40 cm de longueur queue non comprise. Sa queue a une longueur comprise entre 20 et 28 cm. En fait sa taille est comprise entre celle du Ragondin (plus grand) et du campagnol (plus petit). Les mâles et les femelles ont un poids équivalent qui s’élève jusqu’à 2,4  kg. Les nouveaux nés pèsent 20 g en moyenne.

Son épais pelage est de couleur brun foncé sur le dos et gris clair au niveau du ventre. Les individus plus jeunes sont eux, beaucoup plus foncés.
Le Rat musqué est actif toute l’année et sa durée de vie s’élève à quatre ans en milieu naturel, jusqu’à dix ans en captivité. Discret la journée, il est surtout actif le soir et la nuit.
Les individus des deux sexes communiquent au moyen de grincements de dents et en émettant des sifflements brusques.


Habitat

Le Rat musqué affectionne les milieux aquatiques dans leur ensemble. Il fréquente en effet les eaux douces stagnantes ou au courant lent, les marécages, les rivières. Il peut même fréquenter les zones côtières au relief peu accentué.
En automne, le Rat musqué construit son terrier au niveau des berges des cours d’eau. Pour cela, il creuse une galerie contre la berge sous le niveau de l’eau jusqu’à remonter dans une zone sèche. Son terrier est ainsi constitué d’un réseau de pièces qui communiquent entre elles et ont plusieurs rôles : stockage de nourriture, cachette…
Il peut également élaborer des huttes avec des plantes aquatiques comme les joncs et les roseaux, les carex. L’entrée de sa hutte se situe également sous la surface de l’eau. Plusieurs individus peuvent vivre en même temps dans la même hutte ou le même terrier.
Ces capacités respiratoires lui permettent de rester en apnée durant une quinzaine de minutes. Ainsi, il peut creuser facilement des galeries sous le niveau de l’eau et fuir ses prédateurs.


Régime alimentaire

Le Rat musqué a un régime plutôt végétarien. Il apprécie les massettes, les joncs, les carex, les potamots… Il peut consommer environ une cinquantaine d’espèces de plantes dont il apprécie particulièrement les parties submergées, riches en substances nutritives. Il peut également s’orienter vers la consommation de plantes cultivées comme les betteraves ou le maïs. Lors des périodes de disette, en hiver notamment, il peut consommer des petits animaux comme des mollusques bivalves, des crustacées, des poissons ou des grenouilles. Cependant, ce type de régime alimentaire ne lui réussit guère ( A) et il se réoriente dès que possible vers un régime végétarien.


Reproduction

La période de reproduction du Rat musqué débute dès la fin de l’hiver au mois de mars.
Les rats musqués sont munis de glandes anales qui émettent un liquide jaunâtre à forte odeur de musc (d’où le nom de Rat musqué). Les sécrétions sont déposées en des lieux stratégiques comme les terres émergées des rivières, les entrées de terrier ou de hutte.
Les mâles se livrent de féroces batailles pour la conquête des femelles. Lorsque les couples sont formés, les femelles engendrent une portée de 5 petits environ un mois après l’accouplement. Très vulnérables les premiers jours, les petits se développent ensuite rapidement. Ils sont sevrés à moins de un mois et indépendants dès l’automne suivant leur naissance. Une femelle peut avoir plusieurs portées par an selon la région où elle se situe (une au nord et trois au sud).
Il s’écoule environ un mois entre chaque portée. Le Rat musqué est donc une espèce très prolifique.

Son introduction

Comme d’autres mammifères allochtones du paysage faunistique français, le Rat musqué a été introduit en France au début du XXème siècle pour satisfaire les besoins de l’industrie de la pelleterie. Dès 1933, des individus s’échappèrent de ces élevages principalement implantés dans l’est de la France. Des populations marronnes se formèrent ainsi dans la Somme, la Meurthe, les Ardennes, le Territoire de Belfort. Si certaines ne réussirent pas à se maintenir dans le milieu naturel, plusieurs se développèrent et envahirent l’ouest de la France dans les décennies qui suivirent. En 1955, le Rat musqué était réputé présent jusqu’à Rennes. En 1959, l’animal avait colonisé la quasi-totalité de la Bretagne. Mais la population française de Rat musqué ne s’arrêta pas à notre région. Elle poursuivit sa conquête de tout le territoire métropolitain durant les décennies qui suivirent et fut ainsi réputée présente dans la totalité des régions, Corse exceptée, en 1983 ( 1).

Les impacts provoqués

Impacts physiques

C’est sur les ouvrages hydrauliques que l’impact du Rat musqué se fait le plus sentir. En effet, tout comme le Ragondin, le Rat musqué creuse des galeries directement sur les berges des cours d’eau, des étangs, des bassins d’épuration des eaux… Ce comportement allié à une active prolifération transforme les berges en véritable « gruyère ». Aussi, les zones situées au niveau de retenues d’eau, de barrage se retrouvent fragilisées. La rupture de ces ouvrages est donc possible avec des inondations en aval.
Le même problème peut être posé lorsque le Rat musqué colonise les stations de lagunage ( 2). Composées de plusieurs bassins séparés de fines berges, ces stations sont utilisées pour l’épuration des eaux polluées. En creusant ses galeries dans les parois, le Rat musqué court-circuite le passage de l’eau d’un bassin à l’autre. Les eaux polluées peuvent donc se retrouver plus rapidement parmi des eaux plus propres, réduisant de ce fait les capacités épuratoires de la station de lagunage et menaçant les milieux de pollution.

Impacts écologiques

Animal végétarien, le Rat musqué consomme des plantes aquatiques avec une préférence pour les massettes (sorte de roseau). Une prolifération de Rat musqué peut ainsi provoquer une modification du paysage végétal. Une étude de 1998 ( 3) a montré que l’introduction du Rat musqué dans une vaste zone humide du nord de la partie européenne de la Russie avait profondément modifié la composition floristique de la zone. Le Rat musqué en consommant les plantes à rhizomes a provoqué une diminution de la biodiversité. D’une part le nombre d’espèces végétales présentes a diminué et d’autre part, des espèces non consommées par le rongeur se sont fortement développées (par exemple les Carex) modifiant ainsi la composition végétale du site au détriment des vastes surfaces de roselière.

Une autre étude menée aux USA ( 4) montre que la présence du Rat musqué, devenu envahissant dans la zone d’étude, modifie les communautés de macroinvertébrés du plan d’eau. La diversité de ces invertébrés, constituée de nombreux insectes diminuait aux alentours des huttes de Rats musqués. Les auteurs de cette étude laissaient supposer que le rongeur éclaircissait les roselières et permettait aux oiseaux de venir se nourrir avec les invertébrés, provoquant ainsi une diminution de leur diversité.

Ces différentes études montrent que le Rat musqué modifie profondément le paysage naturel des milieux aquatiques ainsi que le fonctionnement de ces écosystèmes.

Impacts sanitaires

En France et en Bretagne, les études menées sur les Rats musqués concernent essentiellement le domaine de l’épidémiologie. En effet, tout comme le Ragondin, le Rat musqué a été introduit avec de nombreux parasites et les parasites locaux se sont adaptés à la présence de ce nouvel animal. Contribuant à augmenter le nombre et la diversité des hôtes de ces parasites (bactéries, virus et autres vers), le Rat musqué peut occasionner des impacts sérieux sur les populations humaines et les élevages. Ainsi, le Rat musqué est souvent porteur du ténia, de la douve du foie, de l’échinicoccose ( 5).

Gestion du Rat musqué en Bretagne

Le Rat musqué est considéré comme animal nuisible dans les quatre départements bretons ( B,C). A ce titre sa destruction à tir est autorisée à certaines périodes de l’année selon les départements. Le piégeage est autorisé toute l’année. Seul l’empoisonnement du Rat musqué est interdit dans toute la Bretagne administrative. En fait, la gestion des populations de Rat musqué est similaire à celle du Ragondin.
Les Fédérations départementales de lutte contre les ennemis des cultures et les Fédérations départementales de chasse organisent les campagnes de piégeage. Les données fournies par la Fédération des chasseurs du Finistère montrent que le nombre de Rats musqués capturés a fortement crû depuis 1995. En effet, lors de la dernière décennie, il était capturé chaque années entre 260 et 400 rats musqués. Passé 1999, le nombre de captures de Rat musqué s’est élevé environ 1 000 individus. L’effort de capture n’étant pas connu, il est impossible de savoir si cette augmentation est due à une population plus dynamique ou à une campagne de régulation plus efficace.
93 % des Rats musqués capturés en Finistère sont piégés avec des cages-pièges.

Perspectives de recherche


Exceptées les études citées précédemment, aucune recherche n’est en cours pour caractériser l’impact du Rat musqué sur les écosystèmes en France et en Bretagne.
Cependant, en Belgique, le Centre wallon de recherche agronomique a tenté de caractériser précisément la dynamique des populations de Rat musqué ( 6). Cette étude vise à rendre les campagnes de régulation plus efficaces en déterminant les périodes les plus propices à l’empoisonnement. L’étude relate qu’il est indispensable de détruire 80% des individus avant la première portée pour que la campagne de contrôle ait un effet sur les effectifs. Ce pourcentage augmente si le traitement est appliqué après la deuxième ou troisième portée de l’année. La même équipe de chercheurs a également mené des essais d’empoisonnement destinés à tester la toxicité secondaire des molécules utilisées et leur rémanence dans le milieu naturel. En effet, il s’agit de savoir si les poisons utilisés agissent toujours après la mort de l’animal sur un éventuel charognard (mammifère ou oiseau). Cette étude conclut que la chlorophacinone, molécule de première génération est encore efficace et n’affecte pas les éventuels charognards. En outre, les Rats musqués ne semblent pas encore développer de résistance aux produits employés. Une autre étude sur le contrôle du Rat musqué ( 7) en arrive à la même conclusion concernant la toxicité des produits employés.

Rédigé par Fabrice Pelloté en collaboration avec Michel Pascal, Olivier Lorvelec, Philippe Clergeau (Inra).

Références citées

Publications scientifiques

1. Pascal M., Lorvelec O., Vigne J.-D., 2006. Invasions biologiques et extinctions. 11 000 ans d'histoire des vertébrés en France. Editions Belin Editions Quae, 350 pages qui est une mise à jour du rapport ( téléchargement) :
Pascal M., Lorvelec O., Vigne J.-D., Keith P. & Clergeau P. (coordonnateurs), 2003. Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et disparitions. Inra, CNRS, MNHN. Rapport au Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, France. Version définitive du 10 juillet 2003 : 381 pages. (rennes.inra.fr/scribe/document/rapport.pdf)
2. Kadlec, R. H., Pries, J., and Mustard, H. 2007. Muskrats (Ondatra zibethicus) in treatment wetlands. Ecological Engineering 29(2), 143-153.
3. Smirnov, V. V. and Tretyakov, K. 1998. Changes in aquatic plant communities on the island of Valaam due to invasion by the muskrat Ondatra zibethicus L. (Rodentia, Mammalia). Biodiversity and Conservation 7(5), 673-690.
4. De Szalay, F. A. and Cassidy, W. 2001. Effects of muskrat (Ondatra zibethicus) lodge construction on invertebrate communities in a great lakes coastal wetland. American Midland Naturalist 146(2), 300-310.
5. Deblock, S. and Petavy, A. 1990. Recent data on the epidemiology of alveolar hydatid disease in France. Bulletin de la Societe de Pathologie Exotique et de ses Filiales 83(2).
6. Renier Michotte A. 2005. La recherche scientifique au service de la lutte contre le Rat musqué en région wallonne. Colloque sur la lutte transfrontalière contre le Rat musqué, Bruxelles. (Centre wallon de recherche agronomique). 7-10-2005.
7. Tuyttens, F. A. M. and Stuyck, J. J. J. M. 2002. Effectiveness and efficiency of chlorophacinone poisoning for the control of muskrat (Ondatra zibethicus) populations. New Zealand Journal of Zoology 29(1), 33-40.


Sites internet

A. Site canadien sur le Rat musqué

B. Les Fédérations départementales de la chasse mentionnant les arrêtés préfectoraux relatifs aux espèces nuisibles:
www.chasseurs-finistere.fr/
www.fdc35.com/

C: Préfecture du Morbihan

Autres sites

Sur les traces de la grande douve du foie

L'institut Pasteur

Lettre du réseau SAGIR