Visitez aussi :
Logo

http://www.observatoire-biodiversite-bretagne.fr/especes-invasives/Flore-continentale/Invasives-potentielles/Les-Lentilles-d-eau-Lemna-sp.

 

Dernière modification le 05 mai 2008


Les Lentilles d'eau (Lemna sp.)

Arrivées d'Amérique du sud au cours du XX ème siècle, les Lentilles d'eau introduites colonisent dorénavant certains milieux aquatiques bretons en se mélangeant à leurs homologues locales. Leurs peuplements parfois denses réduisent souvent les potentialités des étangs et rivières, recouverts de d'épais tapis.


Description(1), origine et répartition géographique : des espèces qui se mélangent

Petites plantes introduites récemment dans les eaux douces bretonnes, la Lentille d’eau minuscule et/ou la Lentille d’eau rouge forme(nt) des tapis épais qui recouvrent la surface des eaux.

Description et classification

Les lentilles d’eau introduites appartiennent à la famille des Lemnacées qui rassemble de petites plantes aquatiques flottantes qui ne sont pas fixées au fond de l’eau et forment des tapis verts à la surface des plans d’eau.

Il existe en France deux espèces de lentille d’eau introduites : la Lentille d’eau minuscule (Lemna minuta Kunth) et la Lentille d’eau rouge (Lemna turionifera landolt).

Lemna minuta
Vu de très près, Lemna minuta est composée de petites « feuilles » (ou plutôt des lames) minces et obtuses d’une taille comprise de 0,8 à 4 mm et que l’on appelle des frondes. Celles-ci portent une seule nervure et ont des bords minces et translucides. Les racines sont fixées sous la fronde et s’enfoncent verticalement dans la colonne d’eau. Elles mesurent quelques millimètres.

Lemna minuta colonise les plans d’eau relativement riches en matières nutritives et dont la température est relativement élevée. Elle apprécie les zones ombragées et calmes et dont la profondeur n’excède pas un mètre (1).

Lemna turionifera
La Lentille d’eau rouge se distingue par sa coloration rouge due à un pigment végétal appelé l’anthocyanine. Cette coloration se limite toutefois à la base des racines et des ses turions (jeunes pousses issues de la tige mère ( A)). Le reste des frondes est vert.

Lemna turionifera vit dans les petits plans d’eau stagnante se réchauffant facilement et si possible peu perturbés. Elle apprécie les eaux au pH élevé, les fortes conductivités, indiquant un milieu chargé en minéraux et les concentrations élevées en ammonium et en phosphate (1).

Reproduction
Lemna minuta
Lemna minuta se reproduit essentiellement par multiplication végétative, au printemps. Certaines populations du sud-ouest de la France ont néanmoins utilisé la reproduction sexuée pour se propager. Toutefois la production de fleurs est très rare chez cette espèce en France.
En hiver les herbiers de cette espèce réduisent leur surface en s’épaississant. Les feuilles coulent et passent l’hiver entre deux eaux. Elles remontent au printemps pour se reproduire.

Lemna turionifera
La reproduction de cette espèce est très particulière et ne ressemble pas à celle des autres espèces du genre Lemna. Entre septembre et décembre, elle disparaît de la surface de l’eau pour hiberner plus en profondeur sous forme de turions. Les turions remontent en surface dès le mois de mars et engendrent de nouvelles frondes qui se reproduisent en se fragmentant.

Origine et répartition
Lemna minuta

Lemna minuta est originaire d’Amérique du sud, comme de nombreuses plantes introduites. Elle fut découverte pour la première fois en milieu naturel dans les Pyrénées atlantique dans le lac Marion à Biarritz. D’autres données affirment que la première récolte eut lieu dans les années 1950 à proximité de Bordeaux.
C’est dans les années 1970 que la plante débuta son expansion en Europe
Il n’existe pas de données sur les modalités d’introduction de Lemna minuta en Bretagne.

En Bretagne, la présence de Lemna minuta remonte à 1994, date à laquelle elle fut observée la première fois dans la Vilaine aux alentours de Rennes (2).
En Côte d’Armor, c’est en 1996 qu’on la repéra dans la vallée de la Rance (3).
Dans le Morbihan, elle fut reconnu dans l’étang de Noyalo en 1997 (4). Par la suite, de nombreux observateurs la reconnurent sur plusieurs plans d’eau du département. On la trouve désormais aussi en cours d’eau Lemna minuta se développe dorénavant en compagnie des autres espèces de Lemnacées autochtones dont elle intègre les communautés végétales.

Lemna turionifera
La Lentille d’eau rouge est originaire des zones continentales de l’Amérique du nord.
Elle n’a été découverte que très récemment en Europe (1983), en Allemagne plus exactement. Il n’existe pas à l’heure actuelle de connaissances précises sur l’arrivée de Lemna turionifera en Bretagne. Les différents atlas floristiques ne la signalent pas encore sur les départements bretons mais le Conservatoire botanique national de Brest ( CBNB) l’a classé comme invasive avérée en Bretagne, preuve que sa répartition évolue rapidement (5). Certains botanistes l’ont aperçu sur les zones arrière littorales du Morbihan, sans toutefois pouvoir affirmer qu’il s’agissait clairement de L. turionifera. La plante, en tout cas y formait des herbiers relativement denses.

Ce n’est que très récemment que l’espèce a été décrite par les botanistes, qui la confondaient jusqu’alors avec les autres espèces de Lentilles d’eau.
En effet, il existe plusieurs espèces de Lemnacées en France et en Bretagne. Certaine comme Lemna minor, Lemna trisulca, Lemna gibba ou Wolffia arrhiza sont autochtones mais peuvent toutefois être envahissantes dans certaines régions (6).
La confusion entre Lemna turionifera et Lemna minor est largement possible, d’autant plus que ces plantes se développent souvent dans les mêmes herbiers.

L’invasion et ses effets : des proliférations parfois gênantes

Se développant plus rapidement que leurs congénères autochtones, les Lentilles d’eau introduites commencent à provoquer des impacts sur l’environnement et sur les usages.

Capacités de colonisation

Les Lemnacées introduites sont réputées pour se développer plus rapidement que leurs homologues autochtones. Lemna turionifera, par exemple, supporte des eaux relativement chargées en ammonium et en phosphate et une conductivité élevée. Ceci lui confère un avantage sur d’autres plantes, plus exigeantes en matière de pureté de l’eau.
Les deux espèces sont disséminées par les oiseaux auxquels elles restent fixées. Ceux-ci les propagent d’un plan d’eau à l’autre assez rapidement.

Impacts et nuisances
Impacts écologiques
Les Lentilles d’eau minuscules et les Lentilles d’eau rouges se multiplient rapidement à la surface des eaux. Elles forment alors d’épais tapis sur toute la surface du plan d’eau. Elles empêchent par là même la lumière de pénétrer dans l’eau. La faune et la flore qui vivent en dessous des herbiers de lentilles se retrouvent plongés dans l’obscurité. Sans la lumière, la photosynthèse n’a pas lieu et le taux d’oxygène diminue jusqu’à l’asphyxie du milieu. Les conséquences sont donc une diminution du nombre d’organismes vivant dans le milieu colonisé et une accumulation rapide de matière organique qui ne peut être dégradée sans oxygène.
Dans le Finistère certains plans d’eau sont recouverts sur plusieurs hectares.

Impact sur la pêche
Les proliférations de Lentilles d’eau en Bretagne limitent fortement les potentialités de pêche pour les étangs. En effet, nombreux sont les étangs où cette activité devient temporairement impossible.

L’impact des ces plantes en Bretagne n’a pas encore été mesuré précisément.

Mesures de gestion : des nuisances sans gestion

Malgré des nuisances pouvant être réelles, il n’existe aucune gestion des Lentilles d’eau introduites.

Les proliférations de lentilles d’eau sont nombreuses fréquentes dans la région. Toutefois, il est encore difficile de reconnaître les espèces qui prolifèrent dans nos cours d’eau. Il serait donc nécessaire de lancer des études d’identification précises des espèces impliquées dans ces proliférations et d’en chercher les causes. A la vue des résultats obtenus, des mesures de gestion adaptée aux situations pourraient être mises en place.

Perspective et recherche : une recherche peu active

Peu de recherches ont été réalisées en Bretagne sur la biologie et l’écologie des Lemnacées et plus particulièrement de Lemna minuta et de Lemna turionifera.

En Angleterre, la dispersion, la classification et les effets de Lemna minuta dans les écosystèmes ont été étudiés (7).
L’introduction récente de Lemna turionifera dans les pays européens a mobilisé des chercheurs qui ont entamé sa description précise, sa classification, l’étude de son milieu de vie optimal (8,9,10,11). Ils ont également recherché les associations végétales dans lesquelles ces espèces s’insèrent le mieux.

Des études sur l’utilisation des Lemna pour réduire les pollutions ont été menées aux USA. Les scientifiques ont étudiés les capacités de ces plantes à absorber l’azote et le phosphore (12,13). Il semblerait cependant que Lemna minuta n’ait pas survécu aux fortes concentrations de ces nutriments lors des expériences.

Les lentilles d’eau s’avèrent être de bons modèles pour la recherche en génétique. Leur accroissement de biomasse est rapide et permet de visualiser rapidement les résultats d’expériences, particulièrement en génétique ( B).

Rédigé par Fabrice Pelloté (Inra) en collaboration avec Jacques Haury (Agrocampus-Inra).

Références

Ouvrages et publications

1. Muller, S. 2004. Plantes invasives en France. 168p. Publications scientifiques du Muséum. Nancy
2. Diard L. 2005. La flore d'Ille et vilaine. 670p. Siloë. Laval
3. Philippon D. 2006. La flore des Côtes d'Armor. 566p. Siloë. Laval
4. Rivière G. 2007. La flore du Morbihan. 654p. Siloë. Laval
5. Conservatoire botanique national de Brest. 2000. Base Calluna: base de données sur la flore vasculaire de Bretagne, de Basse Normandie et des Pays de la Loire. Conservatoire botanique national de Brest. Brest
6. Pelt J.M., Müller S., Dutartre A., Barbe J., GIS Macrophytes des eaux continentales, and Coord.Prygiel J. 1997. Biologie et écologie des espèces végétales proliférant en France. Synthèse bibliographique. Les études de l'Agence de l'eau. Vol. 68 199p.
7. Pysek P., Prach K., and Rejmanek M. 1995. Plant invasions: general aspects and special problems. Workshop held at Kostelec nad Cernymi lesy, Czech Republic, 16-19 September 1993. Plant invasions: general aspects and special problems.Workshop held at Kostelec nad Cernymi lesy, Czech Republic, 16-19 September 1993. p.181-185.
8. Docauer, D. 1983. A nutrient basis for the distribution of the Lemnaceae. Dissertations Abstracts International, B (Sciences and Engineering). Vol. 44 (6) - p.1705-1706.
9. Wolff, P. 1992. Lemna turionifera Landolt in Alsace, a new duckweed for France. Monde des Plantes. Vol. 87 (443) - p.24-27.
10. Wolff, P. and Landolt, E. 1994. Spread of Lemna turionifera (Lemnaceae), the red duckweed, in Poland. Fragmenta Floristica et Geobotanica. Vol. 39 (2) - p.439-451.
11. Wolff, P. and Bruinsma, J. 2005. Lemna turionifera Landolt, Red Duckweed, new to the Netherlands. Gorteria. Vol. 31 (1) - p.18-26.
12. Cheng, JiaYang, Stomp, A., Classen, J., Barker, J., and Bergmann, B. 1998. Nutrient removal from swine wastewater with growing duckweed. ASAE Annual International Meeting, Orlando, Florida, USA, 12-16 July, 1998. 10p.
13. Perniel, M., Ruan, R., and Martinez, B. 1998. Nutrient removal from a stormwater detention pond using duckweed. Applied Engineering in Agriculture. Vol. 14 (6) - p.605-609.
14. Saint-Maxent T. 2002. Les espèces animales et végétales susceptibles de proliférer dans les milieux aquatiques et subaquatiques. Fiches synthèse espèces végétales. 143p. Agence de l'eau Artois-Picardie