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Dernière modification le 05 mai 2008


Le ver parasite (Anguillicola crassus)

Anguillicola crassus, Kuwahara, Niimi & Itagaki, 1974, est un parasite de l’anguille d’origine asiatique. Introduit récemment en Europe, ce ver rond (nématode) a trouvé des conditions et des hôtes favorables pour réaliser son cycle biologique et s’installer durablement dans nos rivières. Il s’est très vite répandu au sein des populations d’anguilles européennes d’élevages et sauvages. Actuellement, Anguillicola crassus fait peser une réelle menace sur le stock d’anguilles européennes sauvages ainsi que sur toute la filière des anguilles d’élevage.


A. Description, biologie, origine et répartition

Le ver nématode Anguillicola crassus est un parasite de l’anguille, arrivé discrètement avec son hôte d’origine Anguilla japonica. Des conditions naturelles favorables ont permis son acclimatation.

Cycle de vie et description

Anguillicola crassus est un ver parasite qui se reproduit dans la vessie natatoire (ou gazeuse) de leur hôte définitif (anguille). Par conséquent, la présence de cet endoparasite ne peut être détectée qu’après autopsie de l’anguille.
A l’état adulte dans la vessie gazeuse de l’anguille, ce ver mesure 2 cm environ. Son corps présente de larges anneaux et une peau transparente, à travers laquelle on peut voir ses organes.

Ecologie

Les conditions favorables à sa dispersion sont conditionnées par le degré de salinité de l’eau. Le passage de l’œuf au stade larvaire se produit habituellement en eau douce, et plus exactement lorsque les anguilles sont au contact de l’eau douce.

Régime alimentaire

Anguillicola crassus est un parasite qui se nourrit des fluides intérieurs de son hôte, notamment le sang.

Reproduction

S'il est consommé par une anguille, le ver creusera un tunnel à travers les parois de l'estomac pour aller se déposer dans la vessie natatoire, où il pourra se muer au stade adulte.
La température conditionne sa maturité sexuelle. Le parasite devient mature entre 8 et 10 mois, si la température est inférieure à 20 °C, ou plus rapidement, sous deux mois, si la température est supérieure ou égal à 20 °C.
Une anguille adulte peut contenir plus de 70 vers et plus de 500 000 œufs. Les œufs et les larves nouvellement conçus passent de la vessie (où ils sont pondus) au tube digestif d’où ils sont expulsés vers le milieu naturel avec la matière fécale. Les larves attendent avant d’être ingérées par un hôte intermédiaire (petit crustacé ou directement par un poisson). Elles évoluent alors dans cet hôte intermédiaire jusqu’à ce que ce dernier soit mangé par une anguille. Le nématode va alors rejoindre la cavité abdominale pour se fixer ensuite dans la vessie natatoire, et ainsi de suite.

Modalités d'introduction et répartition

Anguillicola crassus est originaire du Japon. Son hôte d’origine est l’anguille japonaise, Anguilla japonica. A. crassus a été introduit accidentellement en Europe au début des années 1980, très certainement avec l’importation d’anguilles japonaises infectées, en provenance de Taïwan. Le parasite a été détecté pour la première fois en 1982, dans le nord de l’Allemagne, dans des anguilles européennes (Koops & Hartmann 1989). Il s’est alors propagé très rapidement à travers les populations d’élevage puis les populations sauvages d’anguilles européennes (Blanc et al., 1997).
De la même façon, A. crassus fut introduit dans le nord-est des Etats-Unis où il a parasité l’anguille américaine Anguilla rostrata.
A l’échelle de la Bretagne, le parasite Anguillicola crassus était présent uniquement sur le bassin versant de la Vilaine en 1991. En 1998, sa présence s’est étendue à tous les grands cours d’eau bretons (Aulne, Blavet, Vilaine) (Sauvaget et al., 2003).
Deux vecteurs d’introduction sont envisageables :
- des arrivées d’anguilles contaminées,
- des transferts d’eau contenant des œufs ou des larves du parasite. Les larves peuvent être disséminées par les eaux de ballast ; le succès de son expansion est dû en partie à sa forte capacité de survie notamment pendant ces phases transitoires.

B. Impacts

Anguillicola crassus fait peser une menace réelle sur les populations d’anguilles sauvages et d’élevage, et ainsi sur toute la filière aquacole.

Capacité de colonisation

Ce parasite a trouvé des conditions favorables à son expansion dans les rivières européennes. Par exemple, dans le Frémur (petit fleuve côtier proche de Saint-Malo), des études ont montré qu’environ 70 et 80 % des anguilles autopsiées étaient parasitées par A. crassus, avec parfois des infections très élevées (30 vers présents dans la vessie) (Acou A., données non publiées).
Les raisons de sa forte expansion sont liées à :
- son fort potentiel reproducteur,
- au large éventail d’hôtes qu’il est capable de coloniser,
- et probablement à sa grande capacité de survie à l’état larvaire et adulte.

Impacts

Impacts écologiques

La pathogénécité de Anguillicola crassus, c’est-à-dire la capacité de ce ver à créer des troubles, vis-à-vis de l’anguille se situe à plusieurs niveaux. Tout d’abord le ver à l’état larvaire ou adulte, par le biais de son action mécanique, peut provoquer une dégénérescence de la vessie natatoire de l’anguille, et réduire ainsi les capacités natatoires de l’anguille qui sont fondamentales lorsqu’elle réalise sa migration de reproduction vers la mer des Sargasses.
De plus, les vers adultes se nourrissent du sang de son hôte, absorbé à travers la paroi de la vessie natatoire. Cette consommation de sang peut entraîner un affaiblissement général de l’état de santé de l’anguille (Blanc, 1994). Cette diminution des performances pourrait de plus avoir des effets néfastes sur la migration transocéanique et la reproduction (Lefebvre et al., 2003).
Ce parasite est considéré comme un des facteurs responsables du déclin de l’anguille européenne. Cependant, il est probable que l’impact délétère de ce parasite sur l’anguille augmente quand l’immunité de celle-ci est affaiblie par les nombreux polluants auxquels elle est exposée en mer et en rivière.
Les larves de Anguillicola crassus sont consommées par les crustacés planctoniques, des amphipodes et les isopodes qui seront à leur tour consommées par d’autres poissons, amphibiens et insectes qui peuvent devenir des hôtes intermédiaires.

Impacts sanitaires

Ce parasite ne présente pas de risque pour la santé humaine.

Impacts économiques

Anguillicola crassus peut compromettre la production d’anguilles d’élevage et contribuer au déclin de toute la filière en aval. En effet, A. crassus contribue à une importante réduction du stock européen de Anguilla anguilla. Celle-ci a récemment reçue le statut d'espèce menacée (Sauvaget et al, 2003).

C. Gestion

La gestion du parasite Anguillicola crassus est aujourd’hui très limitée. La prévention est actuellement le moyen le plus efficace pour contenir son expansion.

La prévention

Les transferts de stocks de poissons en provenance de zones contaminées doivent être systématiquement contrôlés.

La lutte mécanique

Dans le cadre de la lutte mécanique, on préconise la filtration et le traitement des eaux utilisées dans les élevages d’anguilles pour limiter la dispersion des larves de A. crassus.

La lutte biologique

La salinité est un facteur déterminant dans la répartition de ce ver. En effet, les anguilles vivant en conditions estuariennes sont relativement épargnées par rapport aux anguilles vivant en eau douce. La salinité des baies et des estuaires semble donc pouvoir préserver de la contamination les populations d’anguilles côtières, dont la gestion devient un enjeu prioritaire pour la préservation des stocks côtiers d’anguilles. Par exemple, dans les marais côtiers, le maintien du caractère salé, par l’amélioration des échanges avec la mer, pourrait permettre de diminuer la contamination des anguilles (Sauvaget et al., 2003).

D. Perspectives et recherches

Dans l’état actuel des connaissances, nous n’avons pas enregistré de programmes de recherches pour Anguillicola crassus.

Rédigé par Julie Pagny (GIP BE) en collaboration avec Anthony Acou (MNHN).

E. Références

Blanc G., 1994. Biologie du cycle d’Anguillicola crassus (Nematoda, Dracunculoidea), contrôle thérapeutique de ses populations. Thèse, Université de Perpignan, Montpellier, 355 p.
Blanc G., Ashworth S.T., 1997. Anguillicola crassus, un colonisateur agressif récemment introduit dans les stocks européens d'anguilles. Bull. Fr. Pêche Piscic. Number 344-345, Les introductions d'espèces dans les milieux aquatiques continentaux en métropole: pp 335 – 342.
Brusle J., 1994. L'anguille européenne Anguilla anguilla, un poisson sensible aux stress environnementaux et vulnérable à diverses atteintes pathogènes, Bull. Fr. Pêche Piscic. Number 335, 1994 L'anguille européenne Bilan des travaux et expérimentations en cours (Volume 1) : pp 237 – 260.
Koops H., Hartmann F., 1989. Anguillicola infestations in Germany and in German eel imports. J Appl Ichthyol 1: pp 41-45.
Lefebvre F., Acou A., Poizat G. et Crivelli A. J., 2003. Anguicollosis among silver eels: a 4-year survey in 4 habitats from Camargue (Rhône delta, South of France); Bull. Fr. Pêche Piscic., 368: pp97-108.
Sauvaget B., Fatin D. et Briand C., 2003. Contamination par Anguillicola crassus de cinq populations d’anguilles (Anguilla anguilla) du littoral de Bretagne sud (France). Bull. Fr. Pêche Piscic., 368 : 21-26.