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Dernière modification le 05 mai 2008


L'ascidie massue (Styela clava)

Styela clava, (Herdman, 1881), est une ascidie, originaire de la côte ouest du Pacifique. Sa grande capacité d’adaptation et l’absence de prédateur lui ont permis de s’établir largement sur nos côtes européennes, parfois dans des densités extrêmes. Styela clava est aujourd’hui considéré comme un redoutable compétiteur pour les espèces indigènes sauvages et cultivées.


A. Description, biologie, origine et répartition

Styela clava, appelée ascidie massue, est arrivée en Europe dans les années 1950, sur les côtes sud de l’Angleterre. Elle a été très certainement introduite, accrochée à la coque de bateaux revenant de Corée. Elle s’est très largement implantée sur toutes les côtes européennes, depuis la mer du Nord jusqu’à la Méditerranée.

Description

Les ascidies sont des animaux marins appartenant à l’embranchement des tuniciers. Ce sont des animaux marins filtreurs enveloppés d’une tunique, d’une carapace (Castric et al., 1987).
Styela clava est une ascidie pouvant atteindre 16 à 18 cm de longueur. On l’appelle ascidie plissée.

Son corps est allongé et cylindrique, en forme de massue, et peut mesurer jusqu'à 12 cm de haut. La base de son corps, plus étroite, est fixée au substrat par son pédoncule. La surface extérieure de son corps, sa tunique, est ferme comme du cuir, souvent ridée, plissée. Elle est souvent couverte d'organismes divers (algues, bryozoaires, etc.).

Elle possède deux siphons rapprochés et situés à l’extrémité antérieure du corps. Le grand siphon ouvert vers le haut est la bouche (siphon buccal ou inhalant), le petit siphon latéral est l’anus (siphon cloacal ou exhalant).
Sa coloration est brune marbrée de blanc (Minchin, 2009).

Ecologie

Styela clava peut vivre en eau peu profonde et en particulier au niveau de la limite inférieure de la zone intertidale (ou zone de balancement des marées). Elle peut même survivre quelques jours hors de l’eau dans des conditions très humides. On la trouve aussi au niveau de l’ensemble des étages subtidaux (zone toujours immergée) infralittoral supérieur, infralittoral inférieur, circalittoral côtier et circalittoral du large, où elle peut atteindre les 30 mètres de profondeur (Derrien-Courtel, com. pers.).
Cette ascidie simple peut se fixer sur n’importe quel substrat dur, qu’il soit rocheux ou biologique (coquilles d’huitres, de moules, etc).
S. clava affectionne plutôt les milieux turbides et soumis à de forts courants tels que les fonds de baie, les rades, estuaires et canaux, et notamment les milieux particulièrement perturbés que sont les ports (sous les pontons, sur les coques des bateaux,…). Outre sa faculté à supporter ces eaux polluées, S. clava est aussi capable de résister à d’importants changements de salinité et de température (de -2 à 23°C).
Enfin, cette ascidie peut vivre jusqu’à deux ans (Dauvin, 1997).

Régime alimentaire

Styela clava est une ascidie suspensivore : elle filtre l'eau et capte les particules en suspension dont elle se nourrit, on parle donc d’un filtreur actif. Son régime varié se compose de micro-organismes végétaux et de petits animaux (protozoaires flagellés, crustacés…) (Minchin, 2009).

Reproduction

Sa reproduction de S. clava est sexuée.
Elle est un organisme hermaphrodite (un individu est à la fois mâle et femelle). Les gonades, c’est-à-dire les glandes sexuelles qui produisent les gamètes, sont situées près du siphon exhalant. Ces gonades sont mâles et femelles, mais ne sont pas matures en même temps ce qui empêche l'autofécondation.
S. clava est ovipare : la fécondation est interne ainsi que le premier stade larvaire. Les larves s'échapperont par le siphon exhalant pour devenir planctoniques, en fin d'été, début automne. Le frai se déclenche lorsque la température de l’eau atteint 15°C. La larve, libre pendant 1 à 3 jours, va rapidement venir se fixer au substrat pour se métamorphoser en la forme adulte. Les larves ont une très faible capacité de dispersion et se fixent souvent non loin des populations d’origine.
S. clava atteint sa maturité sexuelle vers l’âge de 10 mois (Parker et al. 1999).

Modalités d'introduction et répartition

Cette espèce est apparue dans la Manche à Plymouth (Angleterre), en 1953 (Carlisle, 1954). Elle s'est rapidement répandue jusqu'en Mer du Nord, Mer Baltique, et en Atlantique jusqu'à l'Espagne (Davis, 2007). Elle est originaire du Pacifique nord-ouest, du Japon et de la Corée. Vraisemblablement, elle a été introduite en Europe, fixée sur les coques des navires militaires, revenant de la guerre de Corée.
En France, c’est à Dieppe que S. clava a été repérée pour la première fois, en 1968 (Monniot, 1968), puis dans le port du Havre au début des années 1970 (Breton et Dupont, 1973) et enfin en Bretagne, au niveau du golfe du Morbihan en 1979 (Le Roux, 2006).
Depuis 1981, on l'a également observée sur les côtes est et ouest de l’Amérique du nord, dans le sud de l’Australie et en Nouvelle-Zélande (Davis, 2006). Depuis, elle ne cesse d'étendre sa répartition.
En Bretagne, cette espèce est désormais présente sur l’ensemble du littoral, mais en faible densité (Derrien-Courtel, com. pers.).
Elle se disperse au stade larvaire, comme organisme encroûtant sur les coques des navires ou de diverses autres structures flottantes, avec la dérive de plantes, ou encore attachée sur d’autres organismes comme les huîtres, les moules, les crabes, etc. (Minchin, 2009).

B. Impacts

Lorsque les populations de Styela clava sont importantes, elles entrent en compétition avec de nombreuses espèces indigènes : prédation des larves, la nourriture, l’espace. Ces densités extrêmes peuvent occasionner des gênes pour des activités telle que l’aquaculture ou venir encroûter des structures diverses.

Capacité de colonisation

La dissémination de l’espèce a été favorisée :
- par l’efficacité de sa dispersion au stade larvaire ;
- dans sa région d'origine les juvéniles sont mangés par des serpents marins comme Mitrella lunata et certains poissons comme Tautogolabrus adspersus. En Europe il n'y a aucun prédateur connu pour les larves, et un seul prédateur aurait été identifié pour le stade adulte, l’araignée de mer Maja brachydactyla. Or, cette prédation ne suffit pas pour réguler à elle seule les populations de S. clava (Michin, 2009) ;
- D’une nature « robuste », S. clava s’est très bien adaptée aux conditions du milieu.

Impacts

Impacts écologiques

Styela clava peut atteindre des densités entre 500 - 1500 individus par mètre carré.
De telles concentrations créent un phénomène de compétition interspécifique, c’est-à-dire de compétition entre espèces. Les espèces natives et cultivées, et plus particulièrement les organismes filtreurs, sont en concurrence avec S. clava pour l’espace et la nourriture.
S. clava est également prédateur des larves d'espèces natives et cultivées, pouvant ainsi causer leur déclin (Minchin, 2009).

Impacts économiques

Différents secteurs d’activités sont impactés, lorsque les populations de S .clava deviennent importantes.
Dans les ports, les structures artificielles telles que les pontons, les coques des bateaux, les amarres et les cordes sont encrassées, entrainant une augmentation de la fréquence et du coût du nettoyage.
Les professionnels de la pêche doivent aussi faire face à un surplus de travail et de coût suite :
- à l’encrassement des bateaux et des équipements de pêche ;
- au nettoyage des huîtres et des moules encroûtées ;
- au risque de déclin des populations de filtreurs cultivées par compétition pour la nourriture ou la prédation sur les larves (Dauvin 1997).

Impact sanitaire

S. clava peut se retrouver fixée sur d’autres espèces telles que les moules ou les huîtres. Si, en essayant de l’en détacher, on endommage ses tissus, S. clava dégage alors une gerbe d’eau. Une exposition répétée à cet embrun est connue pour entraîner une affection respiratoire chez les humains, surtout si le nettoyage s’effectue dans des zones mal ventilées. Pour l’instant, des cas ont été rapportés du Japon (Minchin, 2009).

C. Gestion

S. clava est tolérante aux conditions du milieu et ne rencontre que peu de prédateurs dans nos eaux tempérées. La régulation des populations doit donc se faire par une gestion anthropique. Or, les moyens mécaniques et chimiques sont très limités. La prévention reste le meilleur moyen de limiter le développement de nouvelles populations.

Prévention

Les mouvements des stocks d'huîtres ou de moules provenant de zones infestées doivent être surveillés attentivement.
Le nettoyage du matériel et des coques de bateau avant leur transfert réduit les risques.

Lutte mécanique

Le seul moyen de lutte mécanique est l’arrachage manuel de S. clava.

Lutte chimique

Dans le cadre de la lutte chimique, S. clava s’est révélée sensible à l’exposition aux sels de cuivre.
D’autre part, une période hors de l’eau prolongée entrainant la dessiccation ainsi que le gel sensibilise voire provoque la mort de l’ascidie. Cette technique est donc envisageable pour les bateaux et les équipements de pêche.
Aussi, le trempage des huîtres et des espèces associées, dans des solutions saturées ou à fortes teneurs en sel s’est révélé efficace pour tuer les ascidies sans pour autant nuire à l’organisme colonisé tel que l'huître. Cette technique est considérée comme la moins chère et la plus efficace pour contrôler les espèces encrâssantes. Toutefois, des difficultés de mise en œuvre subsistent. Cette technique nécessite la collecte de toutes les huîtres colonisées, puis de les placer dans la solution et il n'est pas possible de la mettre en œuvre dans l’environnement ouvert (Minchin, 2009).

D. Perspectives et recherches

Où en sont les recherches à l’heure actuelle pour notre zone d’étude ? La génétique semble une voie de recherche préférentielle pour cette ascidie ?
Dans le cadre du programme REBENT , une série d’observations et de suivis en milieu subtidal rocheux est menée, comprenant l’observation d’espèces remarquables parmi lesquels des espèces exotiques comme Styela clava.
En 2009, une équipe de scientifiques a cherché à mettre en évidence les voies de dispersion possibles de Styela clava dans les eaux du nord de l’Europe en sachant que les facultés de dispersion naturelle de cette ascidie sont quasiment nulles. Pour ce faire, les chercheurs ont retracé les voies de dispersion grâce à des marqueurs génétiques (Dupont et al., 2009).

Rédigé par Julie Pagny (GIP BE) en collaboration avec Sandrine Derrien-Courtel (MNHN).

E. Quelques références

Breton G., Dupont W., 1973. Styela clava (Herdmann, 1882), une ascidie nouvelle pour les côtes de la baie de Seine abonde dans le port du Havre (76). Bulletin Trimestriel de la Société Géologique de Normandie et des Amis du Muséum du Havre 65 (1978), p. 51.
Carlisle DB (1954). Styela mammiculata, a new species of ascidian from the Plymouth area. J Mar Biol Ass UK 33:329–334.
Castric A., Girard A. & Michel C., 1987. Roches sous-marines de Bretagne, Flore et Faune fixés. ADMS. Concarneau 5ème édition, 125 p.
Dauvin J.C., 1997. Les biocénoses marines et littorales françaises des côtes atlantique, Manche et mer du Nord. Synthèse, menaces et perspectives. Collection Patrimoines Naturels, 31, Paris, Laboratoire de Biologie des Invertébrés Marin et Malacologie / SPN / IEGB / MNHN, p. 376.
Davis, M. H. & M. E. Davis (2007). "The distribution of Styela clava (Tunicata, Ascidiacea) in European waters." Journal of Experimental Marine Biology and Ecology 342, pp. 182-184.
Davis M.H., Davis M.E. (2006). Styela clava (Tunicata, Ascidiacea)— a new addition to the fauna of New Zealand. Porc Mar Nat Hist Soc Newsl 20:19–22.

Dupont L., Viard F., Davis MH., Nishikawa T., Bishop JDD, 2009. Pathways of spread of the introduced ascidian Styela clava (Tunicata) in Northern Europe, as revealed by microsatellite markers. Springer sciences. 15 pages.
Le Roux A., 2006. Aperçu de la flore et de la faune marines du Mor Bihan ou Golfe du Morbihan in Mémoires de la Société Polymathique du Morbihan, 132, pp. 259-405.
Michin D.,2009. Styela clava Herdman, Asian sea-squirt (Styelidae, Ascidiacea) in DAISIE, Handbook of Alien Species in Europe. pp. 298.
Monniot C. (1970). Sur quatre ascidies rares ou mal connues des côtes de la Manche. Cahiers de Biologie Marine 11, pp.145-152
Parker L.E., Culloty S., O’ Riordan R.M., Kelleher B., Steele S., and van der Velde G. (1999). Preliminary study on the gonad development of the exotic ascidian Styela clava in Cork Harbour, Ireland. Journal of the Marine Biological Association of the United Kingdom 79, pp. 1141-1142